Fonds spéculatifs activistes : une recherche récente révèle leurs effets à long terme et leur impact sur la valeur des entreprises
Une nouvelle recherche à HEC Paris révèle que les fonds spéculatifs activistes entraînent une baisse de la valeur marchande et des performances en matière de responsabilité sociale des entreprises ciblées, quatre à cinq ans après leur intervention, en comparaison avec des entreprises similaires.
Les fonds spéculatifs activistes peuvent sérieusement entraver la durabilité à long terme des entreprises ciblées. C'est la principale conclusion d'une récente étude à grande échelle menée par Mark DesJardine, professeur de stratégie et de développement durable au Smeal College of Business de la Pennsylvania State University, et Rodolphe Durand, professeur de stratégie et directeur académique du Society & Organizations Center à HEC Paris.
Leur étude, qui s'appuie sur des données provenant de plus de 2 600 entreprises publiques américaines, établit qu'il y a une augmentation de 7,7 % de la valeur initiale de la société dans les 12 premiers mois suivants les actions du fonds spéculatif. Par la suite, cependant, cette croissance diminue régulièrement, chutant de 4,9 % au bout de quatre ans pour continuer ensuite à baisser.
Les fonds spéculatifs activistes ont pris de l'ampleur ces dernières années, bien que le jury ne se soit pas encore prononcé sur leur impact à long terme sur la durabilité financière et non financière des entreprises. Contrairement à d'autres types de fonds d'investissement, ces organismes ont tendance à appliquer des stratégies agressives pour maximiser le prix de leurs actions, avant de les vendre à profit peu de temps après. En général, ils exigent que les entreprises réduisent leurs coûts, diminuent leurs investissements, restructurent leurs actifs et redistribuent leurs capitaux aux actionnaires.
L'étude des professeurs DesJardine et Durand apporte un nouvel éclairage fiable sur l'impact de ces stratégies, mettant en évidence ce qu'ils décrivent comme un «creusement» des perspectives à long terme des entreprises ciblées - quelque chose qui ne se limite pas seulement à la valeur des actions. Leur recherche révèle également que les portefeuilles d'investissement plus larges sont également affectés, les réductions de dépenses entraînant des pertes d'emplois et une restriction des investissements dans des domaines critiques tels que les opérations en R&D. Concrètement, l'étude établit que dans les cinq années suivant la pression exercée par les investisseurs activistes, l'entreprise moyenne perd 7 % de ses effectifs, tandis que les dépenses d'exploitation et les investissements en R&D diminuent respectivement de 6,6 % et 9 %.
Les efforts en matière de responsabilité sociale sont également touchés et mis en veilleuse en comparaison avec des entreprises similaires n'ayant pas été ciblées, avec une différence de performance de 25 % dans les cinq ans suivant leur ciblage.
L'étude s'appuie sur des données de la Securities and Exchange Commission des États-Unis et de Activist Insight, une organisation qui suit spécifiquement l'activisme des actionnaires. Les professeurs Durand et Desjardine ont examiné quelques 1 324 entreprises qui avaient été ciblées par au moins un fonds spéculatif activiste entre 2000 et 2016 et ont comparé leurs résultats financiers avec un échantillon de 7670 sociétés de contrôle qui opéraient au cours de la même période. Ils ont également identifié un échantillon correspondant de 1 324 sociétés non concernées dont les caractéristiques étaient similaires à celles du groupe ciblé, afin de déterminer plus précisément l'impact spécifique de l'activisme des fonds spéculatifs sur la valeur des actions et les investissements. Les entreprises non ciblées ont systématiquement obtenu de meilleurs résultats que celles soumises à la pression des fonds spéculatifs activistes, et ce pour tous les paramètres de la période de cinq ans couverte par l'étude.
"Les campagnes de fonds spéculatifs activistes gagnent constamment en popularité et en puissance", déclare Rodolphe Durand. « Il est donc indispensable de fournir des preuves de leurs implications financières et non financières à long terme ».
Les activistes de fonds spéculatifs prennent des risques lorsqu'ils investissent dans des entreprises et interviennent dans leur stratégie et leurs opérations. Ils visent à se rallier avec d'autres actionnaires et à vendre leurs parts dans les entreprises peu après leur date d'achat initiale. Ils conservent parfois leurs actions pendant une à deux années, dans des cas extrêmes, pendant trois ans, mais ils finissent par se retirer dès qu’il y’a une création de valeur pour les actionnaires.
«Du fait que les dirigeants des fonds spéculatifs activistes sont évalués sur une base mensuelle et primés pour leurs performances à court terme, ils sont amenés à réorienter les activités des entreprises de manière à générer une valeur marchande plus tôt que prévu», explique encore Rodolphe Durand. Les coûts de ces gains initiaux sont toutefois supportés plus tard par d'autres parties prenantes, notamment les salariés et les actionnaires à long terme, comme le montre l'étude.
«Nos recherches apportent des directives pertinentes aux directeurs et aux actionnaires de toute entreprise publique ciblée par un fonds spéculatif activiste, ainsi qu'aux décideurs politiques qui cherchent à s'attaquer à la liberté réglementaire des activistes des fonds spéculatifs».
Les recherches de DesJardine et Durand ont été publiées dans the Strategic Management Journal en janvier 2020. L'article complet est disponible ici. La vidéo de présentation en anglais là.
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