Des bonifications au concours HEC à partir de 2022 pour favoriser l’ouverture sociale
Lors de la Journée HEC 2021 des Professeurs et Proviseurs de Classes Préparatoires le 28 mai 2021, le Directeur Général de l’Ecole HEC Paris Eloïc Peyrache a prononcé un discours engagé en faveur de l’ouverture sociale, et confirmé la mise en place d’un système de bonification à partir du concours 2022.
Discours d’Eloic Peyrache, Directeur General d’HEC Paris :
« Chers collègues,
Une conviction forte nous unit tous et anime notre action depuis des années déjà, dans le cadre de ce continuum auquel nous tenons tant : celle de favoriser et d’accompagner la mixité sociale au sein de notre Ecole en travaillant en amont de notre concours sur l’accompagnement de jeunes issus de milieux modestes dont le talent ne demande qu’à être révélé.
Cette conviction nous a amenés à être la seule école de commerce à accorder des bourses à des étudiants de prépas boursiers d’Etat sur critères sociaux ayant obtenu mention bien ou très bien au bac : nous distribuons aujourd’hui 500 bourses par an là où il y a 3 ans nous n’en distribuions encore que 200.
Cette conviction nous a amenés à encourager et soutenir nos étudiants pour qu’ils s’engagent au sein de nos associations en faveur de l’égalité des chances telles que Fleurs de Bitume, à travers lesquelles ils sont désormais mentors de lycéens et de préparationnaires sur l’ensemble du territoire français et non plus seulement en région Ile-de-France.
Cette conviction nous a amenés à monter des concours d’éloquence dans près de 80 lycées de quartiers prioritaires de la ville, des quartiers nord de Marseille à Paris en passant par Grenoble, concours qui permettent d’offrir chaque année aux gagnants de chaque lycée un séjour de 10 jours sur le campus afin de suivre un programme de formation à l’éloquence tout simplement inoubliable et sans doute de changer en profondeur leur niveau d’ambition et de confiance en eux.
Cette conviction nous amène aujourd’hui à créer le programme d’accompagnement « Prep Etoile », dont Hélène Bermond, notre Déléguée à l’Egalité des Chances va vous parler plus en détail dans quelques instants.
Cette conviction nous amène également à reconnaître que tout cela ne suffit pas. Qu’il faut faire plus. Tout en restant en parfaite cohérence avec notre attachement au concours et à la méritocratie.
HEC a vocation à recruter les étudiants les plus méritants, et, comme vous tous ici, nous sommes convaincus qu’ils sont également répartis dans toutes les couches sociales de la population.
Cependant, force est de constater qu’alors qu’il y a 36% d’étudiants boursiers d’Etat dans l’enseignement supérieur et 25% de boursiers en classes préparatoires, malgré tous nos efforts et tous les dispositifs cités à l’instant, il n’y en a « que 15% » à HEC.
Force est de constater qu’au sein d’une même classe préparatoire, un boursier a en moyenne deux fois moins de chances de réussir à entrer à HEC qu’un non boursier, alors qu’il ou elle bénéficie des mêmes conditions d’apprentissage, des mêmes cours, des mêmes professeurs, de la même attention, des mêmes opportunités d’entraînement via les mêmes séances de colles, les mêmes devoirs sur table, les mêmes concours blancs. Ces éléments sont vrais au niveau des meilleures classes préparatoires comme, en moyenne, au sein des 16 prépas qui intègrent le plus d’élèves.
Comment expliquer cet écart de résultat, si ce n’est en reconnaissant que le retard pris avant la classe préparatoire est si grand qu’il ne peut pas être parfaitement comblé, malgré la qualité de l’accompagnement mis en place en classes préparatoires ?
Car c’est effectivement là que se situe la cause de cet écart de performance : dans ce retard accumulé en primaire, au collège, au lycée. La classe préparatoire est un formidable véhicule pour leur permettre de le rattraper, mais parfois il faut trois ans et pas seulement deux ans.
Nos analyses chiffrées, réalisées sur 5 années de concours, démontrent exactement cela :
- en moyenne, un non boursier qui cube n’augmente pas sa probabilité d’entrer à HEC (même si la variance de performance est grande); celle-ci a même tendance à diminuer.
- Inversement, un boursier qui cube multiplie par deux ses chances d’intégrer HEC ; parce qu’il n’a pas réalisé son potentiel académique à l’issue des 2 années de classes préparatoires, parce qu’il a encore besoin d’une année de plus pour combler complètement le retard accumulé en amont de la classe préparatoire.
De cela il faut retenir deux choses à mon sens :
- Vous faites en prépas un travail EXCEPTIONNEL, que personne d’autres en France ne fait aussi bien. Vous permettez à des élèves issus de milieux défavorisés de rattraper leur retard et de révéler tout leur potentiel.
- Mais pour avoir autant de boursiers parmi nos admis que parmi nos candidats, il faut DAVANTAGE ENCORE tenir compte de ce retard accumulé en amont de la prépa par les boursiers.
En même temps, nous sommes très attachés à ne pas stigmatiser cette population en lui accordant des conditions de passage très spécifiques qui mettraient en doute leur légitimité à être admis. Nous tenons à ce que, dans leur grande majorité, les élèves boursiers comme non boursiers, soient sur la même ligne de départ.
Cela s’accompagne d’une 2ème réflexion – qui n’est pas nouvelle et indépendante de l’objectif d’ouverture sociale. Nous avons en effet réalisé depuis plusieurs années que la performance à HEC des étudiants ayant cubé était significativement plus faible que celle des carrés et il est indéniable que le profil académique du premier carré refusé au concours est supérieur à celui du dernier cube admis.
Dans ce contexte, nous avons pris 2 décisions qui seront applicables dès le concours 2022.
- Nous allons donner des points de bonification (à priori 1 point de bonification dans toutes les matières) à tous les étudiants qui passent le concours pour la première fois après 2 années de classes préparatoires. Cela concerne donc près de 80% des candidats au concours. Les écoles d’ingénieurs l’appliquent de longue date.
- (particularité) Nous allons maintenir cette bonification – ni plus ni moins – pour les étudiants boursiers qui repassent le concours une 2ème fois après 3 années de classes préparatoires.
Par ailleurs - et c’est très intéressant - nos analyses ont démontré que cette double mesure aura deux conséquences positives en termes de diversité.
- Tout d’abord, un accroissement de la part de femmes admises à HEC sur concours, part qui s’élève en moyenne à 44 % et pour laquelle nous visons évidemment la parité. En grande partie sans doute parce que les jeunes filles cubent moins.
- En second lieu, un léger accroissement de la diversité territoriale des prépas d’origine des étudiants admis, dimension dont nous savons tous à quel point elle est essentielle pour l’équilibre de la société française.
La diversité sous toutes ses formes est au cœur de l’excellence de notre Ecole et de la filière prépa/école. C’est d’elle que naissent l’innovation mais également l’apprentissage de la tolérance, de la conscience et de la compréhension du monde.
Avec cette mesure et l’ensemble des dispositifs d’accompagnement que nous continuerons chaque année à renforcer, à l’image du dispositif PREP ETOILE dont Hélène va vous parler, nous contribuerons à notre niveau à relancer cet ascenseur social dont la France a tant besoin, qui est si important pour l’équilibre de notre société, pour le renouvellement de nos élites économiques, pour l’avenir de notre jeunesse.
Evidemment, cet effort doit être collectif, généralisé, et nous aurons besoin que l’Etat joue également son rôle pour réduire les fractures en amont, toutes ces fractures dont nous héritons nous comme vous, qui nous contraignent aujourd’hui à constater l’étendue du retard accumulé. D’importantes discussions sont en cours avec nos ministères de tutelle afin d’investir sur la filière des classes préparatoires au travers d’internats d’excellence par exemple.
Comme vous le comprenez à travers mes mots aujourd’hui, nous refusons de nous contenter de constater ce retard et nous nous refusons également de tout attendre des pouvoirs publics : nous voulons agir, faire partie de la solution, des forces positives qui contribuent à réduire ces inégalités de chances. C’est le sens de cette mesure.
Elle est audacieuse et elle est juste. Simple, juste, et efficace.
Dans 3 à 4 ans, nous ferons avec vous le bilan de son impact. Sans complaisance. Nous verrons à combien s’établit le taux de boursiers, si cette réforme a permis d’accueillir plus d’étudiantes qu’aujourd’hui, comment a évolué la représentation territoriale des étudiants admis à HEC etc…
Notre continuum sera encore plus fort s’il fait la démonstration qu’il permet à chacun et chacune d’exprimer son plein potentiel et de jouer le jeu de la diversité à tous les niveaux de la société.
C’est cela que nous pouvons réussir à accomplir. Ensemble. Au service de cette si belle mission qui est la nôtre : l’éducation. L’éducation avec un grand E majuscule.
Merci pour votre attention. »
Eloïc Peyrache
Directeur Général d’HEC Paris