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Rencontre avec Fahmi Quadir, vendeuse à découvert à l’origine de la chute d’entreprises frauduleuses

Figure de proue d'un des fonds spéculatifs à court terme les plus prospères au monde, Fahmi Quadir était l'invitée principale d'un atelier de recherche intitulé « Fraudes sur les marchés de capitaux : le rôle des vendeurs à découvert », qui a eu lieu le 26 janvier dernier. Cet atelier était organisé conjointement par l'Institut Society & Organizations (S&O) d'HEC et le CFA Society France. L'événement, qui s'est déroulé dans le centre de Paris, a été orchestré par Luc Paugam, professeur associé à HEC et spécialiste des lanceurs d'alerte en entreprise. Dans un long entretien qu'elle nous a accordé, Fahmi Quadir nous livre les clés qui lui ont permis de faire tomber quelques géants frauduleux tels que Valeant et Wirecard.

FAHMI QUADIR

© Rebecca Auber

Nul ne pouvait imaginer que la vie de la mathématicienne américaine Fahmi Quadir, diplômée en 2012 du Harvey Mudd College (Californie), allait prendre un tel tournant. Et encore moins la jeune femme elle-même. « Pour être honnête, je n'aurais jamais imaginé devenir gestionnaire de fonds spéculatifs spécialisés dans l'identification des fraudes, pas même dans mes rêves les plus fous », confie-t-elle, assise sous l'imposant dôme de la Station F, dans le centre de Paris. « C'est d'ailleurs tout le contraire de ce à quoi j’avais aspiré dans la vie. Plus jeune, j'étais très progressiste sur le plan social. Je lisais Karl Marx. J'avais des opinions très libérales, voire très à gauche, sur les valeurs sociales mais aussi économiques, et je ne m'en cachais pas du tout. Je voyais que mes principes allaient clairement à l'encontre de ceux de Wall Street ».

Fahmi Quadir affiche un regard impassible avant de s’esclaffer. Difficile de faire le lien entre la personne elle-même et les différents surnoms que lui valent ses péripéties : « l'Assassin » ou « la Femme fatale de la vente à découvert ». Sans parler des gros titres dont elle a fait l'objet : « L'adversaire la plus redoutable de Wirecard », ou encore « Les investisseurs les plus décriés de Wall Street », titrait le New York Times, qui présentait alors Fahmi Quadir comme la chef de file discrète d'une bande de vendeurs à découvert qui font de l’argent en « fouillant les dessous des grandes entreprises ».

 

Plongée médico-légale dans les archives de l'entreprise

À entendre le récit de cette jeune femme de 31 ans, les activités qui rythment sa vie et celles de Safkhet Capital Management – la société qu'elle a fondée en 2017 et dont le nom est inspiré de Seshat, la déesse égyptienne des mathématiques et de la comptabilité – n'ont rien d'un scénario d'espionnage : « Nous sommes un fonds spéculatif à court terme basé à New York et à Londres. Pour faire simple, nous parions exclusivement sur la baisse du cours des actions d'une entreprise. Ces investissements potentiels sont basés sur un travail de recherche approfondi visant à identifier les situations où une entreprise risque de tromper le marché, de commettre une fraude ou de se livrer à des pratiques commerciales contraires à l'éthique ou déloyales. »

Et de poursuivre : « Nous menons des recherches médico-légales approfondies sur les entreprises après avoir effectué une analyse fondamentale de leurs états financiers. » Le diable se cache dans les détails : « Nous essayons d'identifier ce qui, à nos yeux, sont des points de faiblesse. Certains peuvent être d'ordre structurel au sein de l'entreprise, d'autres relever de failles financières ou de fausses déclarations dans les états financiers. Parfois, il s'agit simplement d'un problème dans la façon dont l'entreprise mène ses activités ou dont elle les présente. »

Ensemble, Fahmi Quadir et Christina Clementi, sa seule collaboratrice, opèrent à la manière d'un chirurgien : « Nous détectons ces vulnérabilités. Nous creusons en profondeur, identifions les questions que nous devons poser pour nous assurer de la solidité de notre position. Il en ressort ensuite quelque chose de simple et tout en finesse. À la fin, je dois être en mesure de vous expliquer en une seule phrase pourquoi je vends les actions de telle ou telle société à découvert. En fin de compte, nous parlons de choses très simples, nous parlons d'argent, il ne devrait jamais y avoir besoin de s'étendre sur des centaines de pages. » Après avoir passé de longues heures à éplucher des documents d'entreprise, Fahmi Quadir examine comment le cours pourrait évoluer sur le marché si les découvertes malveillantes de l'entreprise venaient à se confirmer. Elle s'empresse alors d'acheter les actions de l'entreprise ciblée à un prix inférieur avant de les revendre.

 

Sur la voie de la vente à découvert

Si Quadir parvient à expliquer en quelques mots le travail nécessaire pour dénoncer les pratiques frauduleuses des entreprises, son travail de recherche n'en est pas moins très intense. En l'espace de quelques années, les résultats ont été tout aussi considérables. La New-Yorkaise d'origine bangladaise a d'abord participé à la chute du géant pharmaceutique anciennement connu sous le nom de Valeant, avant de contribuer à faire tomber la société allemande Wirecard, des actions qui ont fait l'objet de plusieurs documentaires très médiatisés.

Mais comment Quadir s'est-elle retrouvée dans ce milieu sous haute pression ? Pour l'expliquer, elle revient sur sa jeunesse, en pleine crise financière de 2008, année où son père s’est fait licencier de la banque où il travaillait. Un événement, qui, encore aujourd'hui, nourrit son dégoût pour les financiers qui « jouent avec l'argent des autres » et « prennent des risques démesurés ». Voilà comment Fahmi Quadir a lentement esquissé un chemin qui conjugue son amour des chiffres et des problèmes mathématiques abstraits avec son désir de révolutionner les secteurs centrés sur l'argent, qui ont détruit son père. « Alors que je n'étais qu'une adolescente, Jim Simons, fondateur de Renaissance Technologies, l'un des meilleurs fonds spéculatifs de l'époque, m'a accordé une bourse pour mener des recherches dans le domaine de la biophysique. Une fois mon diplôme en poche, je suis entrée au Museum of Mathematics qui, vous l'aurez deviné, était financé par ce même Jim Simons. Pure coïncidence ? Je ne sais pas, mais une chose est sûre, c'est là que j'ai réalisé que ma voie était dans la finance. » Avant de poursuivre : « Cela ne voulait pas dire pour autant que je devais abandonner mes valeurs. Au contraire, j'y voyais là la possibilité de mener une action subversive en utilisant les marchés de capitaux pour susciter le changement et rendre les marchés plus équitables pour tous. »

 

 

FAHMI QUADIR

© Rebecca Auber

 

L'optimisme mis à mal

La passion de Fahmi Quadir pour les mathématiques l'a d'abord amenée à entreprendre un doctorat en topologie algébrique. Mais cela lui a également ouvert les portes de l'une des cinq plus grandes entreprises pharmaceutiques au monde pour y mener des travaux de recherche : « J'ai participé à la conception d'un modèle basé sur des données qui signalait les pénuries, dans les usines, de produits chimiques utilisés dans les médicaments. Ce modèle est devenu si performant que le budget annuel de l'entreprise comportait un poste consacré aux recettes d'opportunité qu'il générait. Mais au lieu de l'utiliser pour pallier les pénuries, l’entreprise augmentait ses prix. Cela m'a mise hors de moi mais m'a aussi permis de mieux comprendre le secteur des soins de santé et de l'industrie pharmaceutique. Plus encore que les autres entreprises, les laboratoires pharmaceutiques devraient être là pour nous servir, nous, consommateurs, citoyens. J'étais révoltée par leur utilisation abusive et scandaleuse du modèle que j'avais conçu. Jusque-là, j'avais toujours été de nature optimiste, imaginant que la science et la médecine s'alliaient pour servir le bien général. Avec le recul, je dirais que c’est ce choc qui m'a mise sur la voie de la vente à découvert. »

C'est l'investisseur australien John Hempton qui a décelé chez Fahmi Quadir certaines qualités qui, selon lui, « l’ont mise tout naturellement sur les rails de la vente à découvert » : « Il a dû voir à quel point j'allais au bout de mes recherches et il m'a tout simplement entraînée dans cette voie », explique-t-elle. « Mais il a aussi vu chez moi une motivation plus profonde : je considérais la vente à découvert comme une action subversive, une manière d'utiliser les marchés de capitaux pour provoquer des changements et les rendre plus équitables. Ce qu'il faut quand on travaille dans ce domaine, et dont les vendeurs à découvert manquent généralement, c'est une motivation autre que celle de l'argent. Car, si vous réfléchissez à ce que l'on fait, il s'agit d'une activité contracyclique. Sur le long terme, on va toujours à l'encontre du marché et on risque de perdre de l'argent. Il faut trouver cette motivation au fond de soi pour pouvoir rester dans la course. »

Je reviens sur la vision de John Hempton selon laquelle Fahmi Quadir incarne une approche unique de la vente à découvert. Je lui demande alors si sa formation en mathématiques, par exemple, lui permet de se démarquer des autres vendeurs à découvert. Elle réfléchit, comme si on ne lui avait jamais posé la question. « J'ai toujours été une outsider au sein de mon groupe de pairs. Aucun autre vendeur à découvert ne me ressemble vraiment et personne n'a le même parcours que moi. Lisez les profils de mes pairs et vous verrez, ça sent la testostérone et la virilité à plein nez. Moi, j'ai débarqué dans ce milieu, en tant que femme, avec des points de vue différents. Mon éducation y est aussi pour quelque chose. “Non“, n'était pas une réponse possible pour moi, je me battais pour obtenir ce que je voulais. Tout au long de mon parcours, de chercheuse à gestionnaire de fonds spéculatifs et vendeuse à découvert, je suis toujours restée fidèle à moi-même, j'ai conservé les mêmes valeurs fondamentales, et ce sont elles qui me guident. »

 

De Valeant à Wirecard

Sa résilience et son approche fondée sur ses principes ont rapidement permis à Fahmi Quadir de se démarquer. À 25 ans, elle s'est fait connaître en pariant avec succès contre Valeant, une affaire que Netflix a d'ailleurs reprise il y a cinq ans pour lui consacrer un documentaire. Tout au long de ses années à éplucher, tel une détective, les dossiers de l'entreprise, elle a appliqué l'approche fondamentale qu'elle employait en mathématiques : poser les bonnes questions et proposer les réponses les plus fines : « Dans le cas de Valeant, je ne cherchais pas à expliquer la comptabilité d'acquisition. Valeant a construit son modèle d'entreprise sur le rachat de médicaments, en augmentant leur prix au point que les gens ne pouvaient plus se les payer. Le bilan était tellement déséquilibré que l'entreprise ne pouvait plus continuer ainsi. Le modèle d'entreprise s'est tout simplement effondré. »

Son autre atout inestimable, selon elle, c'est son regard neuf. Un regard qui s'est en effet avéré précieux lorsqu'elle a fait chuter Wirecard, une société de paiement allemande qu'elle a vendue à découvert début 2018. « Le modèle d'entreprise présentait, lui aussi, des failles existentielles. Cette société était spécialisée dans le traitement des paiements à haut risque. Après avoir obtenu une licence bancaire, Wirecard a pris de l'ampleur au point de surpasser toutes les autres sociétés ayant une approche aussi risquée. Il fallait que je me penche sur les changements survenus au cours d'une période donnée. Je devais absolument comprendre la chronologie des événements. Encore une fois, j'étais face à un modèle fondamentalement défectueux. Ce que l’entreprise disait ne correspondait pas à ce que ses chiffres montraient. Les preuves que nous avons découvertes portaient à croire qu'il y avait là une affaire de blanchiment d'argent. Le blanchiment d'argent permet de générer d'importants volumes, pratiquement sans risques, puisque personne ne va crier au scandale et se dénoncer. Il nous fallait comprendre à quel moment les risques deviennent trop lourds pour les blanchisseurs d'argent, car c'est à ce moment-là que les particuliers se mettent à retirer leurs fonds du système, et que Wirecard risque de s'effondrer. Et c'est ce qui est arrivé, tout s'est effondré tel un château de cartes - il n'y avait plus d'argent pour gonfler les chiffres de l'entreprise. »

 

Filtrer les nuisances

Faire tomber une entreprise aussi importante n'a pas été sans conséquences pour Fahmi Quadir : agressée physiquement (« probablement avec des poings américains »), insultée en ligne et dans les médias grand public, menacée à d'innombrables reprises, suivie, poursuivie, piratée, serveur attaqué, elle en a payé le prix fort. « Avec le temps, j'ai appris une chose : les gens sont prêts à aller très loin pour vous empêcher de mener votre travail jusqu'au bout, parfois au-delà de ce que vous pouvez imaginer. Vous vous rendez vite compte que ce jeu implique de vrais risques. Vous devez constamment rester méfiant et sur vos gardes. » Je lui ai demandé comment elle faisait pour vivre avec ces menaces et ces agressions. « J'ai tendance à filtrer toute forme de nuisance qui m'empêche d'atteindre mes objectifs », répond-elle non sans euphémisme. « Quand les gens disent que mon action est méprisable, je sais que leur colère prend racine dans la psychologie humaine de base. La plupart des gens ne comprennent pas mon travail et n'arrivent pas à admettre que je parie contre des entreprises qui, selon moi, sont frauduleuses. Personne n'a envie de croire qu'il peut être victime d'une escroquerie ou d'un mensonge. Et je ne pense pas qu'un quelconque effort de communication ou de bonne volonté puisse changer la perception du public à l'égard des vendeurs à découvert. Les gens ont toujours détesté les vendeurs à découvert et ce n'est pas demain la veille que cela changera. » Il n'est donc pas étonnant qu'elle ait un jour confié à un journaliste : « Oui, on m’a lourdement harcelée, mais j'ai toujours été en mesure de dire à ceux qui me dénigraient d'aller se faire voir. »

Heureusement, Fahmi Quadir est très bien entourée (notamment par sa sœur avocate) et elle avoue ne pas avoir peur. « Je trouve ça fou d’être harcelée parce que je fais mon travail. » Elle a également trouvé de précieux alliés du côté des médias, comme en témoigne le travail des journalistes Dan McCrum (FT) et Roddy Boyd (Foundation of Financial Journalism). « Les médias sont essentiels à mon travail, car les journalistes sont, selon moi, les conteurs les plus convaincants et les plus crédibles. Si un journaliste à qui je confie ma thèse peut corroborer mon travail de manière indépendante, cela me conforte d'autant plus dans l'idée que mes recherches ne sont pas simplement le fruit de mes préjugés et de mon cynisme. Je respecte beaucoup le travail des journalistes et je trouve qu'il est très proche de ce que je fais en tant que vendeuse à découvert. Ils ne sont évidemment pas motivés par l'argent comme les vendeurs à découvert, ils se soucient davantage de la moralité et de la réputation. Je suis une investisseuse, une actrice du marché, pas une journaliste. »

 

FAHMI QUADIR talk

© Rebecca Auber

 

Tentatives d'interdiction des ventes à découvert

Les efforts déployés pour révéler au grand jour les dessous obscurs du monde des affaires ont également eu des répercussions politiques. L'autorité allemande de régulation des marchés financiers, la BaFin, a remanié toute son organisation et a décidé d'enquêter sur la saga Wirecard. « Dès qu'un gros scandale financier éclate au grand jour, les régulateurs ont tendance à se montrer beaucoup plus sévères à l'égard de la criminalité d'entreprise en général », souligne Fahmi Quadir. « La BaFin a nommé un nouveau responsable à qui je voue un grand respect. Elle a mis en place de nouveaux protocoles pour les personnes comme moi, nous invitant à nous rapprocher d'elle avec des preuves concrètes de délits. Sa dernière opération d'enquête constitue une avancée positive. Reste à savoir si cette politique se poursuivra sur un autre cycle de marché. En effet, les régulateurs sont des archéologues financiers et n'analysent les fraudes qu'a posteriori. Au fond, ils ne veulent pas entraver la prospérité, même si cela implique de fermer les yeux sur des actes frauduleux. »

On comprend mieux la circonspection de Fahmi Quadir au vu des événements passés. En février 2019, la BaFin a interdit la vente à découvert des actions de Wirecard pour y mettre fin – une pratique alors qualifiée par le régulateur comme étant « anti-marché ». Encore aujourd’hui, l’investisseuse a du mal à digérer cette décision : « Comment en est-on arrivés là ? Quelles étaient leurs motivations ? Est-ce qu'il s'agissait d'une capture réglementaire ? » Les questions fusent. Fahmi Quadir extrapole : « Interdire les ventes à découvert relève d'un mécanisme émotionnel et réactionnaire que certains politiciens peuvent mettre à profit. Lorsque le chaos règne sur les marchés, les régulateurs ne comprennent pas vraiment ce qu'ils peuvent faire et essaient donc simplement d'y mettre un terme. Ils se donnent ainsi bonne conscience. Ils montrent au grand public qu'ils tentent d'empêcher l'effondrement des marchés. Mais en réalité, les régulateurs sont, pour la plupart, des gens très instruits et avertis, ils savent ce qu'ils font. Lorsqu'ils adoptent des mesures telles que l'interdiction des ventes à découvert, c'est purement politique, voire réactionnaire, comme je le disais à l'instant. Les régulateurs devraient être plus avisés, car les données ont montré à maintes reprises que la restriction des ventes à découvert est en réalité néfaste pour les marchés. Cela nuit à la découverte des prix et aux liquidités. Lorsqu'un marché est en crise, qui est l'acheteur qui va se manifester spontanément ? Moi, parce que je dois couvrir mes ventes à découvert. Les interdire n'a donc aucun sens. »

 

Cap sur Londres

Fahmi Quadir reste néanmoins persuadée que des leçons ont été tirées : « Le ministère des Finances allemand m'a même présenté ses excuses pour toute cette débâcle. J'espère qu'au moins aux États-Unis et en Europe, nous sommes plus avisés et qu'il n'y aura pas d'interdictions ni de réglementations à l'encontre des vendeurs à découvert. »

L'Europe a attiré Fahmi Quadir à bien des égards. Il y a quelques années, elle a mis le cap sur l'Est et vit désormais à Londres. En quoi est-ce différent de New York ? « C'est une communauté beaucoup plus petite, il n'y a pas tant de monde dans mon domaine, les nouvelles circulent donc plus vite. À New York, tout est très professionnel, tout le monde est en costume trois pièces, il y a souvent des dîners d'investisseurs où l’on échange des idées. Mais c'est beaucoup d'esbroufe. Je trouve les gens plus décontractés à Londres et aussi plus sincères dans leurs recherches et leur travail. J'aime beaucoup, c'est particulièrement plaisant d'être vendeur à découvert à Londres. On y trouve plus facilement sa motivation au-delà simplement des marchés de capitaux. Je le répète, cela va au-delà de mon travail et de ma capacité à vendre à découvert ». La fondatrice de fonds spéculatifs revient avec enthousiasme à son mantra : « En fin de compte, il s'agit de rendre le monde des affaires plus équitable et l'économie plus transparente, pour le bien de tous. »

 

Banques, Responsabilité et Dieselgate

Au cours de cette journée consacrée aux marchés frauduleux, quatre universitaires d'HEC ont présenté leurs dernières recherches sur les mauvaises pratiques et la responsabilité des entreprises. Albert Mensah et Hervé Stolowy, professeurs de comptabilité adjoints à HEC, ont analysé l'impact de la vente à découvert activiste sur les banques qui ont établi des relations de prêt avec des sociétés dont les actions étaient vendues à découvert, en se concentrant sur la tarification des prêts. Cette recherche inédite porte sur un échantillon de 2 400 entreprises américaines. Les résultats semblent montrer que les banques ont beaucoup à apprendre des vendeurs à découvert puisqu'ils influencent le taux d'intérêt qu'elles facturent aux sociétés dont les actions sont vendues à découvert. Julien Jourdan, professeur de management à HEC, a quant à lui partagé son analyse du Dieselgate et de son impact sur Volkswagen. Après avoir analysé 1,2 million de tweets publiés avant et après que le scandale ait éclaté, il a mis en évidence les problèmes moraux et sociaux auxquels l'entreprise est confrontée depuis 2015, année où cette affaire a défrayé la chronique partout dans le monde.  

Enfin, Guillaume Vuillemey, professeur associé en finance, a fait part de son analyse des origines de la responsabilité limitée et sur l'équilibre à trouver entre les exigences de sécurité et l'irresponsabilité des investisseurs. Cette étude s'inscrit dans le cadre de ses recherches à long terme sur la gestion des risques et la régulation des marchés financiers.