Le grand débat national suscite de fortes attentes dans l’opinion publique en matière de pouvoir d’achat et de baisse des dépenses publiques
Avec un contexte social marqué depuis maintenant plusieurs mois par les mobilisations des gilets jaunes, et plus récemment par l’issue incertaine du grand débat lancé par le Président de la République, tout laissait à penser que l’opinion publique exprimerait au mois de mars de vives appréhensions en l’avenir. Pourtant, les résultats du Baromètre des décideurs Viavoice pour HEC Paris, Le Figaro et BFM Business témoignent d’une toute autre perception.
En effet, les perspectives des différents acteurs économiques est plutôt à l’amélioration, voire à une nouvelle dynamique. En particulier, l’indice du moral des décideurs gagne 7 points et enraye sa chute ininterrompue entre juillet 2018 et janvier 2019, venant confirmer la récente révision à la hausse de la croissance française pour l’année 2019.
Des Français et des décideurs plus optimistes pour l’avenir, et moins inquiets de voir leur niveau de vie se dégrader
Ce retour d’une dynamique positive est en outre mesurée sur différents indicateurs, bien au-delà de la croissance. Elle se nourrit ainsi d’une amélioration des perspectives à la fois sur le plan macro-économique et sur le plan personnel.
Sur le plan particulièrement sensible du pouvoir d’achat, notamment, l’idée selon laquelle le niveau de vie en France « se dégradera » d’ici un an est ainsi en baisse autant parmi les décideurs (42 %, -6) que parmi le grand public (53 %, -3).
Mais c’est sur le plan personnel que la baisse des inquiétudes est la plus marquée, avec
« seulement » 42 % des Français qui appréhendent une dégradation de leurs finances personnelles dans les mois à venir, contre 57 % en novembre juste avant le début du mouvement des gilets jaunes. Les mesures décidées par le Président de la République en faveur du pouvoir d’achat début décembre semblent donc bel et bien perçues par l’opinion publique, avec une baisse des inquiétudes de 15 points en quelques mois.
On retrouve cette inflexion des inquiétudes concernant les projections sur le chômage :
24 % des décideurs et 16 % du grand public prévoient une diminution du nombre de chômeurs en France dans les mois à venir, des chiffres certes d’ampleur limitée mais en hausse significative, respectivement de 9 points et 5 points depuis janvier.
"Lorsque les décideurs demandent plus de pouvoir d'achat pour les classes moyennes afin de restaurer la confiance, on mesure aujourd’hui toute l’ampleur du phénomène de déclassement social." #BaromètreDesDécideurs avec #HECprof @jeremyghez v/ @bfmbusiness https://t.co/b8sAH0h7rV
— HEC Paris Business School (@HECParis) 29 mars 2019
Des attentes en matière de pouvoir d’achat mais aussi pour réduire la dépense publique
En dépit de ces améliorations perçues, les attentes restent fortes concernant l’amélioration du pouvoir d’achat à l’issue du grand débat national. Les trois quarts des Français (74 %) souhaitent ainsi qu’Emmanuel Macron prenne de nouvelles mesures en ce sens « car il faut redonner du pouvoir d'achat à certaines catégories de Français après le mouvement des gilets jaunes ». Cette proportion reste également majoritaire parmi les décideurs (62 %), signe, là aussi, que l’ensemble des Français n’ignorent pas les clivages existants entre certaines tranches de la population aux situations socio-économiques divergentes.
Toutefois, en parallèle de ces mesures attendues pour le pouvoir d’achat, les Français restent attentifs à la dépense publique qui pose deux enjeux majeurs : celui des recettes et des dépenses existantes d’une part, et celui de leur répartition d’autre part.
Ainsi la question du déficit public représente une crainte partagée par une grande majorité au regard d’une dette déjà élevée : 67 % des décideurs et 64 % du grand public seraient inquiets à l’idée que puissent être prises des mesures qui creuseraient le déficit public, plaidant donc davantage pour des mesures de hausse du pouvoir d’achat sans coût induit pour les finances publiques (hausse du SMIC ou des salaires par exemple).
Par ailleurs, décideurs (65 %) comme grand public (69 %) attendent également des actions claires de la part du gouvernement pour réduire la dépense publique à l’issue du grand débat, jugeant qu’il s’agit d’une priorité actuelle, notamment à travers une réduction des dépenses de fonctionnement de l’Etat.
Les réformes et le pouvoir d'achat : Décryptage de l’avancée des réformes gouvernementales avant la restitution du #GrandDebatNational par #HECprof Eric Mengus via @Figaro_Live cc @HECKnowledge https://t.co/893gI3tAiG #FigaroLive
— HEC Paris Business School (@HECParis) 27 mars 2019
Une divergence entre grand public et décideurs sur l’agenda des réformes
Si les Français plaident donc de manière consensuelle pour des mesures fortes à l’issue du grand débat national sur les différents enjeux évoqués, un clivage s’observe entre décideurs et grand public quant à l’agenda souhaité des réformes à venir.
À ce titre, si 63 % des décideurs estiment que le gouvernement doit poursuivre les réformes, seuls 48 % des Français partagent cet avis, et 42 % plaident au contraire pour une suspension des réformes prévues actuellement (retraites, fonction publique, assurance-chômage) puisque celles-ci tendraient à alimenter la colère sociale.
Sur @Le_Figaro en live, on retrouve @fmiquetmarty au sujet du dernier baromètre @Viavoice_Paris : "On est sur des confrontations politiques, d'aspirations économiques. Et comment changer de manière profonde ce pays qui repose sur des problèmes irrésolus depuis longtemps ?"
— Viavoice (@Viavoice_Paris) 27 mars 2019
Dès lors, si à l’issue du grand débat national des enjeux d’avenir semblent clairement identifiés - et partagés - par les Français, la question de la méthode et de l’agenda reste donc cruciale pour accompagner l’éclosion d’un renouveau positif dans l’opinion publique.
François Miquet-Marty, Président de Viavoice et Stewart Chau, Consultant
Le commentaire de Rodolphe Durand
Avec l'épuisement des revendications des «gilets jaunes» canal historique qui attendent de voir les mesures annoncées en décembre porter ou non leurs fruits, les décideurs et le grand public redonnent du crédit à l'avenir. Le temps est à la gestion de la peur et de l'espoir. La peur d'un démantèlement de l'Europe avec les élections qui pointent, et d'un effondrement climatique qui renforce les injustices, en témoigne les mobilisations autour de ce dernier enjeu que ce soit en ligne sous la forme de pétitions ou dans la rue sous la forme de manifestations. L'espoir a besoin d'être entretenu tant dans l'arène économique que dans l'arène politique. Les enjeux se transforment dans toutes les sphères. Économique d'abord avec le choix qui s'offre aux entreprises de continuer de faire de la RSE (Responsabilité Sociale de l'Entreprise) «à la papa», une sorte de marketing vert tendre ou à l'opposé d'intégrer foncièrement au cœur de leur stratégie les enjeux climatiques et sociaux. Politique ensuite, face aux pressions américaines et chinoises, la France et l'Europe sauront-elles faire fructifier leur héritage et mobiliser leurs jeunesses ou face aux menaces de replis identitaires vont-elles se vider de leurs forces vives désabusées?
Rodolphe Durand, Professeur de Stratégie, Fondateur et Directeur Académique du Centre S&0 (Society and Organizations), Joly Family Professor of Purposeful Leadership.
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