Perspectives économiques et COVID-19: après l’effondrement, le rebond ?
Est-ce une preuve de sursaut ? L’expression d’un espoir retrouvé ? Ou bien, enfin, une confiance accordée à la stratégie vaccinale ? Cette nouvelle livraison du baromètre des Décideurs HEC Paris – Viavoice - Le Figaro - BFM Business révèle un enseignement majeur : un rebond très net des perspectives économiques ; et à la différence de la sortie de la crise de 2008, les perspectives actuelles reposent sur un alliage frappant de singularités, moteur de confiance économique.
Amélioration des perspectives économiques ou retour aux « scores d’avant »
La courbe de l’indice du moral des Décideurs, après avoir enregistré une chute vertigineuse après le début de la pandémie, connait une inversion ce mois-ci : l’indice s’établit désormais à - 37. A titre de comparaison, il était de - 41 en mars 2020 soit aux prémices du premier confinement, et à - 48 en novembre dernier. Ce rebond est illustré par les indicateurs conjoncturels :
- Concernant le niveau de vie, 28 % des Décideurs (+ 11 points depuis novembre) et 24 % des Français (+ 7 points) anticipent une amélioration en France dans les mois qui viennent. Ces scores sont alignés avec les chiffres observés avant la crise sanitaire ; pour le grand public, ces résultats n’avaient jamais été atteints depuis mars 2018.
- Quant à leur propre situation financière personnelle, les tendances sont tout aussi positives et retrouvent leur niveau d’avant crise : 18 % des Décideurs (+ 4 points) et 16 % des Français (+ 3 points) estiment que leur situation financière va s’améliorer dans les mois prochains.
Sur le front de l’emploi, 14 % des Décideurs (+ 8 points) et 12 % des Français pensent que le nombre de chômeurs dans les prochains mois va diminuer en France : des scores en progression et comparables à ceux recueillis avant la crise sanitaire.
Singularité 1 : l’importance des vaccins (double singularité)
Compte tenu de la spécificité de la crise actuelle (arrêt volontaire de l’économie pour faire face à la pandémie) par rapport à celle de 2008, le premier facteur d’espoir est lui-même très singulier : les vaccins. Et les résultats obtenus révèlent en réalité une double singularité. Au-delà du principe même des vaccins et de leur rôle dans la sortie de crise, les scores d’adhésion sont impressionnants : pour « améliorer la situation économique de la France dans les mois qui viennent », 81 % des Décideurs et 70 % des Français estiment que « la vaccination » est « utile » : scores singulièrement massifs, bien au-delà des intentions de se faire vacciner.
Cela signifie que pour cette sortie de crise, l’espoir des impacts macroéconomiques des vaccins l’emporte sur le désir de vaccination personnelle : à la faveur des explications et des désirs de sortie de crise, la « solution vaccinale » s’impose dans les esprits.
Singularité 2 : l’alliance des acteurs « Etat – entreprise – consommateurs » (double singularité)
La deuxième singularité réside en la nécessaire alliance des « acteurs de sortie de crise ». Alors qu’après la crise de 2008, le rôle de l’Etat apparaissait prépondérant, c’est désormais l’importance du triptyque Etat - entreprise - consommateur qui est soulignée :
- Aux yeux des Décideurs : 23 % (Etat), 32 % (entreprises et innovation), 26 % (consommateurs) ;
- Comme aux yeux des Français : 16 % (Etat), 30 % (entreprises et innovation), 34 % (consommateurs).
Là encore, c’est une double singularité qui prévaut : non seulement le triptyque est original, mais la place reconnue aux entreprises et à l’innovation, par les Décideurs comme par les Français, est frappante. Alors que la décision d’ « arrêter l’économie » a relevé des pouvoirs publics, on aurait pu imaginer que le plus grand nombre se tourne essentiellement vers l’Etat pour la reprise : l’idée d’innovation, d’une adaptation de l’économie progresse également en regard de cette crise.
Singularité 3 : l’aspiration à un « pack de réformes »
Le baromètre des Décideurs permettra désormais de mesurer de façon barométrique les leviers de la relance économique. A ce jour, les réponses attendues plaident pour un « pack de réformes », autant dire pour un plan de relance multi-facteurs :
- En ligne avec une tendance globale à la réhabilitation de la souveraineté nationale et au produire local et consommer local, les Français (41 %) et Décideurs (43 %) jugent prioritaire d’aider les entreprises qui produisent en France.
- Les Français (42 %) et les Décideurs (37 %) estiment important de baisser l’imposition sur les ménages en France.
- C’est concernant la situation des jeunes que Français et Décideurs souhaitent que le gouvernement agisse, dans un contexte où s’installe une précarité pour une partie de ce public.
Singularité 4 : consommation, la part de « l’effet roaring »
Entre perspectives du retour des « années folles », apprentissage pérenne de la modération consommatrice voire tentations frugales, quel rôle précis jouera la consommation dans la « sortie de crise » ? De manière frappante, seuls 7 % des Français déclarent avoir l’intention de consommer « davantage » au sortie de cette crise par rapport à leurs usages antérieurs ; 57 % autant qu’avant et 32 %... moins qu’avant.
Si la consommation est appelée à reprendre et sur des rythmes supérieurs à ceux qu’elle connaissait avant « la crise », l’idée de « roaring twenties » faisant écho à celle des années 1920 n’émanera pas de l’ensemble des publics, loin s’en faut. Les moteurs de la reprise risquent à ce titre d’être asymétriques, ouvrant alors de nouveaux défis dans cette économie renaissante.
Par François Miquet-Marty et Stewart Chau, Viavoice