Les villes intelligentes élargissent l’avenir professionnel des étudiants d’HEC Paris
Des sauts technologiques, liés notamment à l’Internet des Objets, font aujourd’hui grandir le nombre et la taille des villes intelligentes, partout dans le monde. Les spécialistes du sujet s’accordent pour dire que l’impact (sur les voyages, l’énergie ou les déchets) sera énorme, offrant des opportunités insoupçonnées – et, probablement, des risques – pour les grandes entreprises et leurs stratégies de recrutement dans ces secteurs. HEC Paris a invité le 22 mars des représentants de certains des plus grands acteurs concernés à dévoiler leur vision du futur de la ville intelligente et à décrire le rôle potentiel que pourraient jouer les diplômés d’HEC dans cette transformation urbaine.
La conférence organisée le 22 mars à propos des « Smart Cities » sur le campus d’HEC était la troisième d’une série co-organisée par le Centre Society & Organizations d’HEC. Elle a attiré des étudiants de plusieurs programmes ainsi que des participants externes, tous motivés pour explorer les nouvelles opportunités d’emploi liés à ce phénomène, né dans les années 60 à Los Angeles (cf. "Uncovering the Early History of “Big Data” and the “Smart City” in Los Angeles" , Boom California, June 16, 2015). « Nous avons accueilli un excellent panel, avec des experts issus d’entreprises qui traitent des défis urbains » a indiqué la co-organisatrice et directrice exécutive du Centre SnO, Bénédicte Faivre-Tavignot. Avant de les présenter : « nous avons accueilli Thibault Ben Khelil, de Greenflex, qui dirige la conception de villes intelligentes vertes et inclusives, Pierre Brunet, le vice-président « Smart Cities Solutions » chez Veolia, Olivia Conil Lacoste, directrice Développement durable de Bouygues Immobilier, et Frantz Beznik, responsable Innovation et R&D chez Procter&Gamble (P&G). Ils ont tous souligné que les défis urbains liés aux villes intelligentes affectent les carrières qu’on peut mener au sein de leurs entreprises. Les changements renforcent le besoin de nouvelles compétences humaines, technologiques et entrepreneuriales au sein d’emplois existants. Et nous voyons aussi émerger de nouveaux emplois comme des spécialistes de la data, des analystes de données, des créateurs d’applications, et ainsi de suite ».
Les couches usagées : un nouveau facteur dans l’équation des villes intelligentes ?
Les quatre membres du panel ont souligné la richesse des opportunités offertes par les « smart cities », un concept déjà présent dans 25 centres urbains en France. Procter&Gamble, qui, selon Franz Betznik, compte cinq milliards de clients dans le monde, est convaincu que le futur est dans les villes intelligentes, en raison du besoin impératif de réduire l’empreinte humaine sur la planète. « Les statistiques sont terribles ! » a-t-il avoué au public dans l’amphithéâtre Bellon. « Quand j’écoute les nouvelles à la radio, j’ai envie de l’éteindre, de mettre ma tête dans le sable. Mais à P&G, nous avons décidé de faire face aux défis, de lancer des programmes ambitieux. C’est pourquoi nous sommes en train de diminuer cette empreinte par la réduction des transports, des déchets et des emballages, dans des secteurs d’activité comme la blanchisserie, le nettoyage, et ainsi de suite. Et puis, il y a deux ou trois ans, nous avons inventé cette idée un peu folle : recyclons les couches usagées, car elles sont très visibles et odorantes. Croyez-le ou non, cela fait beaucoup de progrès et nous installons un programme pilote à Amsterdam l’année prochaine. »
Bien qu’elle soit arrivée récemment à son poste, Olivia Conil Lacoste s’est pour sa part lancée avec enthousiasme dans la création d’habitats durables et inclusifs pour le compte de Bouygues Immobilier. La directrice Développement durable de la branche immobilière du groupe Bouygues a ensuite présenté le travail effectué depuis 2011. « Nous avons travaillé dans des grandes villes comme Lyon pour rassembler les habitants, les partenaires et les entreprises, grâce à notre plate-forme, » a-t-elle expliqué. « Cet effort collectif que nous envisageons d’achever d’ici 2021, inclut environ 70 entreprises et 14 partenaires, y compris WWF. Pour achever de tels projets, nous avons besoin des talents trouvés à HEC pour créer de nouveaux modèles entrepreneuriaux et économiques, les combiner avec les réalités sociologiques et l’agriculture urbaine, tout en étant conscient de la nécessité d’énergies alternatives. J’espère surtout partager aujourd’hui avec les étudiants notre enthousiasme et un sens plus profond à cette énorme mutation. »
Dessiner les paysages des villes intelligentes
Pour Pierre Brunet, il est essentiel de trouver des talents qui aideront à créer des perspectives qui ne seront pas linéaires mais circulaires. Le vice-président « Smart Cities Solutions » chez Veolia souhaite par ailleurs trouver à HEC de futurs collaborateurs capables de travailler en équipe, et en partenariat avec d’autres entreprises déterminées à créer de nouveau écosystèmes. « Nous avons d’abord enraciné notre travail dans les nouvelles technologies, à cause du grand nombre d’ingénieurs que nous avons ici à Veolia » a-t-il dit. « Cela a permis de créer de bons systèmes, mais il n’y avait pas le genre d’impact que nous espérions fournir à travers ces services. C’est parce que nous manquions de savoir-faire dans la gestion du changement. C’est pourquoi nous cherchons de nouveaux profils, pour aider à rompre le paradigme traditionnel en gestion du changement. Cependant, un bon profil a bien sûr besoin d’expertise technologique, au moment où la blockchain et l’IA sont des mots tendances. »
Thibault Ben Khelil a confirmé quant à lui le besoin criant de nouveaux modèles entrepreneuriaux pour les villes intelligentes, tout en rappelant l’importance de l’adaptation à chaque cas individuel. Le directeur-conseil chez Greenflex a insisté sur l’évolution du marché de l’emploi en lien avec cette révolution urbaine : « de nombreuses organisations travaillent sur les nouvelles fa çons de construire des villes intelligentes, et des services aussi divers que la vente de légumes, de couches ou d’infrastructures. De nouvelles recrues doivent désormais analyser les projets des entreprises et évaluer leur impact sur les émissions de CO2 et d’autres problèmes environnementaux. C’est une tâche difficile mais il faut le faire. » Son entreprise est spécialisée en efficacité énergétique depuis sa fondation en 2009, et a été un leader européen du secteur, combinant l’intelligence des données et la gestion de matériel pour aider les clients à gérer leur consommation d’énergie. Elle a été récemment rachetée par Total.
Les étudiants réfléchissent aux problèmes liés à la scalabilité et au comportement des consommateurs
Les étudiants d’HEC Paris présents lors de la conférence ont reconnu le dynamisme du concept de la ville intelligente. Mais certains se sont interrogés sur le problème des modèles dits « scalables ». « Je me spécialise en stratégie » , indique l’un d’entre eux pendant la séance de questions, « et mes recherches reviennent toujours à ce problème. Chaque projet est unique et dépend de sa localisation et des partenariats engagés. Mais il n’y a pas de modèle scalable pour répondre à cette réalité » . Un point que Frantz Beznik et Pierre ont tous les deux reconnu comme étant l’un des plus grands défis de l’avenir. Le premier a rappelé que des forces politiques majeures s’efforcent de partager leurs expériences : « Le réseau C40 des mégapoles par exemple. Ce consortium regroupe 97 villes et a publié un rapport appelé « Deadline 2020 », qui constitue un vrai plan d’action pour les villes intelligentes de toutes les tailles et formes. La scalabilité est au cœur de son mandat. »
Une étudiante du MBA d’HEC Paris, Coralie, a partagé les expériences qu’elle a vues à Boston avec des compteurs intelligents, tandis que Laure, étudiante du MSc Sustainability & Social Innovation, estimait pour sa part qu’on ne prête pas suffisamment attention à l’éducation des consommateurs, qui seraient largement responsables de l’empreinte écologique : « n’est-ce pas le rôle des entreprises de changer le comportement des gens ? » , a-t-elle demandé. Les membres du panel lui ont répondu que l’éducation des consommateurs est en effet essentielle pour qu’on puisse progresser. « Comment faire accepter le défi de se doucher à l’eau froide, par exemple ? » s’interrogeait ainsi Frantz Beznik. « Nos innovations ont aidé à réduire l’empreinte, mais il reste au moins 80% à faire et la solution est en effet dans les mains des propriétaires. »