La mise à l'échelle des innovations "deeptech" grâce au modèle CDL
L’innovation deep tech n’échoue pas par manque de percées, elle échoue dans le passage du laboratoire au marché. Alors que de grandes découvertes émergent chaque jour des laboratoires de recherche, transformer ces innovations scientifiques et technologiques en entreprises "scalables", capables d’attirer des capitaux et de générer un impact réel, est l’un des défis les plus ardus.
Au cœur de ce défi et de cette transformation se trouve un modèle que peu d’accélérateurs ou de fonds d’investissement parviennent à reproduire : le Creative Destruction Lab (CDL). Un programme international à but non lucratif destiné aux entreprises scientifiques et technologiques en phase d'amorçage et à fort potentiel de croissance (startup seed stage).

En février dernier, la ville d'Heilbronn en Allemagne a accueilli une étape majeure de l'histoire du programme lors de la première session du CDL-Paris Next Generation Computing, l’un des volets spécialisés proposés par le CDL, un programme mondial qui soutient les startups scientifiques en phase seed.
Organisée conjointement par CDL-Berlin et CDL-Paris, cette session a rassemblé mentors, fondateurs et leaders de l’écosystème de l'innovation et de la deep tech, offrant un regard privilégié sur le fonctionnement du Creative Destruction Lab (CDL) et illustrant pourquoi il s’impose aujourd’hui comme un acteur clé pour connecter la science et l’entrepreneuriat.
Des avancées technologiques aux business models
Le programme se distingue par son approche centrée sur la science dès le départ. Beaucoup des projets qui y participent ne sont pas encore des entreprises au sens classique du terme : ils sortent tout juste des laboratoires de recherche, souvent sans produit défini, sans clientèle identifiée ni source de revenus établie.
“De nombreuses entreprises entrent au CDL en tant que projets scientifiques. À la fin, elles commencent à devenir de véritables entreprises, avec un objectif, une orientation de marché et des modèles d'entreprise plus clairs.”
– Alan Lau, mentor au CDL et co-fondateur de Two Small Fish Ventures.
Alors que les accélérateurs traditionnels privilégient souvent la traction et la rapidité, le CDL mise sur des critères plus fondamentaux : la validation scientifique, l’adéquation produit-marché (product-market fit) et la "scalabilité" sur le long terme. Cette approche est particulièrement adaptée aux startups de la Next Generation Computing, qui travaillent sur des domaines tels que le quantum computing, la photonique, l’infrastructure IA et les technologies de l'espace (space tech).
Mentors et investisseurs : deux rôles distincts
L’un des aspects les plus distinctifs du CDL est son modèle axé sur le mentorat. Contrairement à de nombreux programmes early-stage qui s’articulent principalement autour du financement, le CDL repose sur un accompagnement collectif et une prise de décision rigoureuse, guidée par des objectifs précis. Sa communauté de mentors réunit des scientifiques, des économistes, des experts associés, des fellows, des alumni ainsi que des entrepreneurs chevronnés et multi-récidivistes.
Dans les écosystèmes startup traditionnels, les entrepreneurs viennent souvent du monde des affaires : ils identifient d’abord une opportunité de marché, puis développent la technologie pour y répondre. Mais dans l’univers deep tech, la démarche s’inverse. Ici, les fondateurs partent généralement d’une avancée scientifique ou d’une innovation technologique, puis doivent relever le défi complexe d’identifier l’application la plus pertinente, de définir le bon marché et d’élaborer une stratégie go-to-market adaptée au potentiel de leur innovation.
“CDL n'est pas un fonds de capital-risque, c'est une sorte de marketplace de mentorat. Ce qui se passe dans la salle est une question d'alignement, pas de financement. Les investisseurs peuvent se retirer, mais les mentors interviennent,”
- Darrell Kopke, directeur exécutif du CDL-Vancouver et modérateur lors de la première session du CDL Next Gen Computing
Il a souligné l'importance de cette distinction, en particulier dans le domaine de la deeptech, où le capital-risque ne suffit pas. Ce dont les fondateurs en phase de démarrage ont le plus besoin, ce n'est pas seulement de capital, c'est de :
- “Conseils sur les voies réglementaires”
- “Validation par des experts techniques chevronnés”
- “Aide pour affiner leur stratégie de mise sur le marché”
- “Retours d'information honnêtes sur ce qui ne fonctionnera pas”
C’est précisément ce que propose le Creative Destruction Lab, grâce à des sessions trimestrielles structurées qui allient franchise sans détour et résolution collaborative des problématiques.
Un modèle avec une approche global grpace à un réseau à l'échelle
Fondé à la Rotman School of Management de l'Université de Toronto, le Creative Destruction Lab (CDL) est aujourd’hui devenu un écosystème deep tech d’envergure mondiale, avec plus d’une douzaine de sites répartis en Amérique du Nord et en Europe. Chaque site se spécialise dans des domaines différents, allant de l'Espace et du Climat à l’IA et au Next Generation Computing.
Pour Oliver Kahl, Principal chez MIG et Associate Fellow, ce qui distingue le CDL à l’échelle internationale, c’est sa méthodologie rigoureuse :
- Chaque entreprise doit définir des objectifs clairs sur 8 semaines après chaque session.
- Les mentors votent pour déterminer si l'entreprise doit continuer.
- Le processus est répété sur quatre sessions, réduisant progressivement l'effectif de la cohorte.
“La structure du CDL vous pousse à prendre des décisions, à vérifier des hypothèses et à vous concentrer. Il n'y a pas d'esbroufe, c'est la science qui rencontre la stratégie, dans l'urgence.”
- Oliver Kahl, Principal chez MIG et Associate Fellow
Le stream Next Generation Computing lui-même reflète cette échelle internationale, gérée conjointement par le CDL-Berlin (de l'ESMT par le biais de son Institute for Deep Tech Innovation) et le CDL-Paris (le Deep Tech Center d'HEC Paris Innovation & Entrepreneurship Institute), avec le soutien de la Fondation Dieter Schwarz et d'institutions partenaires affiliées telles que TUM Campus Heilbronn et Campus Founders.
Combler le fossé entre le laboratoire de recherche et le marché
Pour que la deep tech réussisse en Europe, il ne suffit pas de publier des travaux de recherche de niveau international, il faut les commercialiser, et c'est ce que le CDL fait le mieux : aider les chercheurs brillants à devenir des entrepreneurs audacieux.
“Certains des esprits les plus brillants se trouvent dans nos laboratoires, mais nous ne parvenons pas à commercialiser leurs idées à grande échelle.”
- Ekaterina Almasque, mentor CDL et General Partner chez OpenOcean
En créant des environnements structurés où les fondateurs scientifiques sont à la fois challengés, accompagnés et mis en réseau, le CDL transforme les avancées académiques d’aujourd’hui en licornes de demain.
"Building Something Massive"
À l’approche de la session finale du volet Next Generation Computing, prévue à Marseille en avril 2025, les startups encore en lice ont déjà fait l’objet d’une évaluation rigoureuse et ont su démontrer un potentiel exceptionnel. Ce qui les rassemble, ce n’est pas seulement leur technologie de pointe, mais aussi leur conviction inébranlable.
Dans un monde où la puissance informatique conditionne tout, de la sécurité nationale à la résilience climatique, la construction de l'infrastructure de demain exige plus que du code ou du capital : elle requiert une vision, du mentorat et un réseau de soutien international.
C’est ça, le modèle CDL : une approche unique, axée sur le mentorat, qui transforme les percées scientifiques en entreprises à fort impact. Sa devise résume parfaitement l’ambition du programme : "Build Something Massive".
Du 23 au 25 avril, Marseille accueillera la grande finale du CDL. Quatre streams : Next Gen Computing, AI, Climate et Space, y convergeront pour célébrer l’audace, la science de rupture et la création d’entreprises à la frontière du possible.
L’événement se tiendra au TANGRAM, le nouveau centre d’excellence du groupe CMA CGM. Bien plus qu’un simple lieu, TANGRAM incarne l’engagement audacieux du Groupe à relever les défis environnementaux, sociétaux et géopolitiques les plus urgents de notre époque. Il réunit un écosystème riche et puissant : les équipes CMA CGM, des startups, des partenaires, des clients, de grands groupes, des universités, des centres de recherche... et même des concurrents. Tous sont unis par une mission commune : construire le monde de demain.