Climat : Trump met-il en péril la coopération internationale ?
Climat : Trump met-il en péril la coopération internationale ?La décision de Donald Trump de retirer les États-Unis de l’Accord de Paris, le jour même de son investiture le 20 janvier, a renforcé les craintes d’un recul global dans la lutte contre le changement climatique. Selon la 6ème édition du Baromètre des Transitions Viavoice – HEC Paris pour le Nouvel Obs, publiée le 23 janvier, la politique de Trump en matière de climat pourrait aussi nuire à l’action de l’Union européenne, pourtant leader de la transition climatique et énergétique. Selon François Gemenne, les risques de ce second mandat de Trump sur la coopération internationale sont bien plus "délétères" qu’en 2016. Alors que les feux continuent à ravager la Californie, l’inquiétude climatique atteint des sommets chez les cadres, depuis la création du baromètre.

Alors que 2024 a été déclarée l’année la plus chaude jamais enregistrée par l’Organisation météorologique mondiale (OMM), marquée par de nombreuses catastrophes climatiques, et que 2025 ne commence pas sous de meilleurs auspices avec les incendies qui ravagent la Californie, l’investiture de Donald Trump à la présidence des États-Unis le 20 janvier vient porter un coup dur pour les ambitions climatiques internationales. L’un de ses premiers décrets ("executive order") aura en effet été le retrait de l’Accord de Paris, pierre angulaire de la coopération internationale sur le climat.
Trois risques majeurs du retrait des États-Unis de l'Accords de Paris
Entré en vigueur fin 2016, l'Accord de Paris est un traité international juridiquement contraignant sur les changements climatiques qui vise à maintenir "l'augmentation de la température moyenne mondiale bien en dessous de 2°C au-dessus des niveaux préindustriels". Considérant l'évolution du climat et ses impacts, les efforts des Etats visent plutôt à limiter le réchauffement climatique à 1,5°C d'ici la fin de ce siècle, ce qui signifie les diminuer de 43% d'ici 2030.
Si lors de son premier mandat, Donald Trump avait déjà initié en 2019 (il était impossible de le dénoncer dans les trois années suivant sa ratification) le retrait des Etats-Unis de ce traité, celui-ci n’avait été effectif que quelques mois, avant que Joe Biden revienne sur cette décision. Cette fois-ci les conséquences du retrait de la deuxième puissance émettrice de CO2 au monde pourraient être de plus lourdes selon François Gemenne, professeur à HEC et Academic Directeur du Master Sustainability and Social Innovation (SASI).
Commentant les résultats du Baromètre des Transitions de janvier, il identifie trois risques majeurs.
Un schisme dans la coopération internationale sur le climat ?
Le risque "d'un effet domino", avec d'autres régimes populistes qui pourraient emboiter le pas aux Etats-Unis créant ainsi un schisme dans la coopération internationale. Aujourd’hui seuls trois pays, la Libye, l’Iran, et le Yémen, n’ont pas rejoint le concert des Nations mondiales pour lutter contre les catastrophes du changement climatique.
Des objectifs des réduction de CO2 à la baisse ?
Le second risque est lié au contexte spécifique de 2025 puisque l'Accord de Paris prévoit la réévaluation des engagements de réduction émissions de gaz à effet de serre à la hausse. "Ca va être compliqué de demander aux pays d'en faire davantage alors que les Etats-Unis en font moins".
Le risque de l'immobilisme
Le risque le plus "délétère" selon François Gemenne porte sur la coopération internationale au long terme et sur le climat d’incertitude mondiale qu’engendre "un engagement des Etats-Unis à géométrie variable", selon l'alternance entre démocrates et républicains au pouvoir. "Ce mouvement de balancier pourrait créer un signal d'immobilisme terrible pour les autres Etats mais aussi plus largement pour tous les acteurs économiques".
François Gemenne indique en outre que deux choses ne vont pas changer dans la politique énergétiques des Etats-Unis. D’un côté la part grandissante, sous l'effet du marché, des énergies renouvelables dans le mix énergétique américain (25%). De l’autre, l’augmentation du nombre de licences d'exploitations pétrolières et gazières.
La nouvelle administration Trump perçue comme une menace dans la lutte contre le changement climatique
Les résultats du Baromètre des Transitions (dont le sondage a été réalisé peu avant l’investiture de Donald Trump, du 9 au 15 janvier) montrent que cette inquiétude face aux conséquences de l’élection de Donald Trump sur l’action climatique internationale est partagée par une grande majorité des Français.
77% des cadres et 68% du grand public estiment l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis aura un impact négatif sur les objectifs environnementaux européens. 13% des cadres et du grand public estiment en revanche qu’il sera positif, ce qui n’est pas négligeable.
Croissance économique ou action climatique : un choix clair pour les Français
Si, au sein du mouvement MAGA (Make America Great Again) et d’une grande partie de l’électorat de Donald Trump, la lutte contre le changement climatique est perçue comme un frein à la restauration de la puissance américaine, les perceptions en France s’inscrivent dans une toute autre logique.
Face au dilemme entre croissance économique et protection de l’environnement, les répondants tranchent largement en faveur de l’urgence écologique. 60 % des cadres et 53 % du public estiment que la priorité doit aller à la protection de l’environnement, même au détriment de la croissance économique.
Trump 2 : un climatoscepticisme global en progression ?
Au-delà des décisions politiques, c’est la réalité scientifique même du changement climatique que le discours de Donald Trump et de ses partisans remettent en cause. La crainte est que ce climatoscepticisme, alimenté par des leaders populistes, ne gagne du terrain dans les opinions publiques et influence d’autres gouvernements.
L’indicateur structurel du Baromètre des Transitions qui mesure les connaissances sur le dérèglement climatique sera de ce point de vue intéressant à suivre. Il pose par exemple cette question essentielle : "Les activités humaines ont peu de responsabilités dans le réchauffement climatique, il s’agit surtout d’un processus naturel d’évolution de la Terre ?" Ce à quoi 79% des cadres répondent que c’est faux et 67% du grand public.
Cependant 18% du grand public estime encore qu’il n’y a pas de lien établi entre l’augmentation de la fréquence des inondations en France et le réchauffement climatique, contre 14% des cadres.
Modération sur les réseaux sociaux et liberté d’expression ; vers une dégradation du débat public ?
La remise en cause du consensus scientifique sur le dérèglement climatique n’est-elle pas amenée à gagner du terrain si les fake news et la désinformation circulent sans contrôle sur les plateformes où un grand nombre du public s’informe ? Voilà l’une des questions cruciales que soulève l’annonce par Mark Zuckerberg de mettre fin à son programme de fact-checking et de revoir les règles de la politique de modération sur Facebook, Instagram ou Threads pour davantage promouvoir la liberté d’expression.
La seconde question d’actualité du Baromètre des Transition de janvier 2025 interroge cette notion de la qualité du débat public. Or si une majorité de Français estime qu’il va se dégrader, les différences entre cadre et grand public sont notables. 70 % des cadres contre 55 % du public estiment que ces évolutions annoncées par Meta vont nuire à la qualité des discussions en ligne. Cette fracture souligne une plus grande sensibilité des cadres aux enjeux de désinformation, dans un contexte où l’accès à des informations fiables est crucial.

Climat : une inquiétude record chez les cadres
Les chiffres de cette 6ème édition du Baromètre montrent que l’inquiétude climatique atteint chez les cadres son plus haut niveau depuis la création de notre indicateur en mars 2024 avec 81 % d’entre eux qui se disent inquiets.
Les inondations dévastatrices de Valence en novembre 2024 et le mega feu en Californie de janvier 2025, expliquent peut-être cette hausse. En revanche, au sein du grand public, la tendance est inverse avec 73 % d’inquiets contre 75 % en novembre 2024.

Engagement des entreprises : des attentes non satisfaites
En parallèle, l’engagement perçu des entreprises sur les enjeux environnementaux atteint un niveau historiquement bas. Seulement 50 % des cadres jugent leur entreprise engagée, et cette proportion descend à 43 % chez les actifs du grand public. Ce décalage entre les attentes des individus et la perception de l’action des entreprises contribue à alimenter un climat de pessimisme généralisé.
Une opportunité pour l’Europe ?
En plaçant son retrait des Accords de Paris au cœur de sa politique climatique, Donald Trump relance les tensions autour de la coopération internationale. Dans un contexte où les records climatiques s’accumulent, le pessimisme des cadres et des Français reflète une inquiétude grandissante. Pourtant, l’Europe et ses partenaires pourraient tirer parti de cette situation pour affirmer leur leadership et mobiliser des solutions innovantes face aux défis globaux."
