De la magie Disney aux bancs d’HEC : la carrière inspirante de Sandrine Mies
« Où vous appellent vos rêves et vos envies ? Ecoutez cette voix intérieure qui vous donne envie d’avancer, d’oser… » – Sandrine MiesDans cet entretien, Sandrine Mies, ancienne dirigeante chez Disney pendant près de 20 ans, nous raconte son changement de trajectoire, de l’univers de l’enfance à la robotique jusqu’à la ‘Longevity Economy’ (les seniors), avec en fil rouge, cette envie inébranlable de combiner ce qui lui tient à coeur : l’art du storytelling, la technologie et l’humain. Son parcours entremêle postes de direction, de consultante, d’apprenante et même de stagiaire…
Sandrine Mies nous livre ici son propre récit : de sa carrière corporate chez Disney au déclic qui a fait évoluer sa trajectoire, et comment elle a consolidé son nouveau chapitre professionnel grâce à un Executive Master à HEC Paris.
Chez Disney, vous avez appris l'importance du storytelling (la narration). En quoi, l'essence de cette magie a-t-elle façonné votre approche professionnelle ?
Sandrine Mies : La narration est un moyen puissant de présenter une idée, de parler d’un projet et de mobiliser son interlocuteur. J’ai une affection particulière pour les métaphores qui donnent du relief au récit et donnent corps aux messages que l’on veut faire passer. Elles créent des images mentales, éveillent des émotions, et mettent l’esprit en mouvement. C’est l’étincelle qui naît dans le regard de l’autre et cet instant est magique : c’est le signe d’une connexion qui s’établit, le début d’un échange sur lequel on chemine ensemble pour construire.
Chez Disney, j’ai découvert la puissance du storytelling pour fédérer des partenaires issus de secteurs variés (cinéma, musique, retail, parcs…) sur de grands projets, autour d’une même vision : l’empowerment de l’enfant ! High School Musical, Hannah Montana, Star Wars Rebels, Les Disney Channel Talents, Les Grands Prix de l’imagination sont autant d’histoires qui ont donné naissance à des expériences et des souvenirs inoubliables pour de nombreux enfants.
Après avoir refermé le chapitre Disney, vous vous êtes tournée vers la technologie grand public avec le robot Cozmo. Qu'est-ce que cette aventure vous a appris sur la relation humain-machine ?
Sandrine Mies : En effet, j’ai contribué avec passion à la croissance des chaînes Disney en France jusqu’à leur « majorité » (pendant 19 ans exactement), du déploiement satellite aux débuts des plateformes de streaming. Fin des années 2010, la Silicon Valley était en pleine effervescence dans un autre domaine : celui de la robotique et de l’IA. C’est à ce moment que j’ai croisé les débuts de Cozmo aux U.S., un adorable petit robot, mi-Wall.e, mi-Ève, et une merveille d’ingéniosité conçue par Anki Inc., une start-up américaine.
Je les ai rejoints pour ouvrir le marché français. Ce fut un retour à l’esprit start-up du lancement de Disney Channel. Nous étions deux pour lancer cette innovation en quatre mois en France, avant de construire une équipe agile. À l’époque, il fallait expliquer au grand public cette technologie tout droit sortie des laboratoires, et démontrer qu'une relation humain-machine pouvait être à la fois accessible et bénéfique, à travers un petit robot-compagnon au caractère bien trempé. Cozmo a fait carton plein deux années consécutives et obtenu une vitrine dédiée sur les Champs-Élysées et au Bon Marché pour les fêtes de fin d’année : une icône ! Il s’est aussi révélé être un excellent outil éducatif pour initier les enfants à la programmation et développer leurs compétences STEAM (sciences, technologie, ingénierie, arts et mathématiques).
Votre parcours vous a ensuite amenée à vous tourner vers l'univers des personnes âgées et sur les bancs d’HEC. Qu'est-ce qui a motivé ces choix ?
Sandrine Mies : Après Anki, puis de belles missions de développement de start-up - Lunii (la boîte à histoires pour enfants) puis Tonies France (la TonieBox) - j’avais besoin de nouveauté, de nouveaux défis sur des territoires à défricher et à transformer. La tech accompagnant l’avancée dans l’âge, et notamment l’AgeTech au service de la santé 4P (personnalisée, préventive, prédictive, participative) et du Bien-Être, étaient encore méconnues.
Lorsque j’ai parlé de mon intérêt pour un secteur qui me touche personnellement, j’ai eu droit aux vents contraires : « Mais tu es dingue ! Tu as été chez Disney pendant 20 ans, Pourquoi t’intéresses-tu aux personnes âgées ? ». À écouter nos craintes ou celles des autres, on vit et l’on s’enferme dans des a priori qui nous étouffent. J’ai décidé d’écouter la voix de mon for intérieur et d’opérer ce virage.
J’ai d’abord repris mes études à HEC avec un Certificat en Finance, puis un autre en Management d’une Unité Stratégique. J’ai appris par plaisir et cette expérience a été une vraie piqûre d'énergie ! Notamment au travers des rencontres, des enseignements, des échanges, et le challenge de se remettre en question… J'ai ensuite capitalisé sur ces deux certificats en intégrant le Global Executive Master in Management - General Management et choisi comme sujet de thèse : les robots comme vecteurs de lien social dans le quotidien des personnes âgées, à domicile et en résidence.
Au-delà de la thèse - pour laquelle je remercie encore mes tuteurs Philippe Greco et Bernard Cardona qui m'ont poussée à me dépasser - je garde une profonde reconnaissance à Christopher Hogg et Dominique Rouziès pour la richesse du cursus et la qualité des enseignements. Et puis il y a Laurent Maruani, inoubliable professeur émérite à HEC Paris, qui a ouvert les écoutilles de notre pensée. Avec lui, impossible de rester dans un chenal : philosophie, arts, sciences,… Il nous a offert un grand bol d’air intellectuel pour muscler notre curiosité et renouer avec le storytelling dans notre leadership.
Et justement, vous êtes allée encore plus loin dans votre rôle d’apprenante. Vous avez volontairement troqué votre casquette de dirigeante contre celle de stagiaire chez Epoca. Comment avez-vous vécu ce changement de posture ?
Sandrine Mies : Effectivement, dans le cadre du Master, nous devions mener des missions en Sustainability et en Développement Commercial. J'ai choisi d’endosser le rôle de stagiaire chez Epoca Health, une startup qui assure la surveillance des patients polypathologiques à distance, à l’aide d’objets connectés. Epoca, c’est aussi une formidable équipe de médecins, d’infirmiers et d’ingénieurs qui permettent à des personnes âgées de sortir de l’hôpital pour être suivies à domicile. Ce statut m’a permis de plonger dans la réalité du système de santé, sur le terrain, là où tout se joue.
En suivant les médecins et les infirmiers dans leur quotidien de l’hôpital au domicile ou en Ehpad, j’ai pu observer les problèmes des soignants, écouter les besoins des patients et échanger avec les résidents. J’ai découvert en très peu de temps les cas d’usage d’une grande variété d’innovations technologiques qui arrivent en renfort d’un secteur critique et en souffrance. J’ai gagné un temps incroyable dans la compréhension du marché du HealthCare (soin), à la fois par la mise en œuvre des acquis du Master chez Epoca—par la collecte de matière pour ma thèse—que par la transmission des personnes qui m’ont fait confiance. Ces connaissances me sont utiles chaque jour chez Enchanted Tools pour construire la stratégie et échanger avec les acteurs du marché français comme du marché américain.
Justement, votre poste actuel chez Enchanted Tools est le point de rencontre parfait entre la narration, la technologie et l'engagement humain. Comment ces trois dimensions fonctionnent-elles ensemble pour créer de l'impact auprès des seniors ?
Sandrine Mies : Tout à fait, mon rôle actuel me permet de faire converger un récit porteur de valeurs et l’IA physique au service des personnes. Dans un monde où la robotique s’est longtemps concentrée sur le remplacement de l’humain, créer une solution au service des personnels de soin, du bien-être des résidents (ou des patients) et du maintien du lien social dans des établissements de vie assistée est à la fois visionnaire et profondément humain. Les équipes d’Enchanted Tools ont imaginé et conçu les robots Mirokaï (Miroki et Miroka) en France. Il s’agit de véritables personnages, extrêmement expressifs et accessibles, destinés à augmenter l’efficacité opérationnelle des soignants, les soutenir dans leurs tâches quotidiennes et améliorer l’engagement et l’expérience des résidents.
Nous travaillons avec l’institut Broca Living Lab et des résidences pour personnes âgées plus ou moins autonomes en France et aux Etats-Unis. L’acceptation du robot par les personnes en Memory Care est intuitive et immédiate pour la plupart des résidents. Sa présence ravive des souvenirs d’ingénieur, de fans de science-fiction ou tout simplement le plaisir d’une présence animale et joyeuse. Dans les résidences autonomes, les seniors sont curieux, ont des tas d’idées, d’envies. Ils apportent leurs connaissances, et deviennent les contributeurs exigeants et les co-créateurs des fonctionnalités des Mirokaï. Les Boomers les plus âgés fêtent leurs 80 ans cette année, la technologie fait partie de leur vie. Cette génération est créative, curieuse, audacieuse et loin d’être silencieuse, c’est même tout l’inverse. Elle va nous pousser à faire bouger les choses. Il est temps d’innover pour eux et avec eux, et de changer le regard poussiéreux porté sur nos aînés.
Pour conclure, si vous deviez transmettre une idée forte à ceux qui doutent avant de changer de parcours, quelle serait-elle ?
Sandrine Mies : Pour ceux qui hésitent, cultivez votre curiosité et osez, un terme très ancré dans l'esprit d'HEC. Il faut oser faire le premier pas dans l'inconnu, accepter de ne pas avoir tous ses repères.
Ma valeur est celle acquise en plongeant et en évoluant dans plusieurs univers : entre multinationale et start-ups, entre corporate et entrepreneurs, entre enfants et seniors… et mon chemin est toujours plein de rêves et d'envies à concrétiser.
Où vous appellent vos rêves et vos envies ?
Ecoutez cette voix intérieure qui vous donne envie d’avancer, d’oser, de sourire, de vous sentir plus que vif. C'est peut-être ça aussi le rapport entre l'âme d'enfant qui ose et le senior qui se dit qu’il a encore plein de choses à offrir à ce monde.