Aller au contenu principal
Faculté et Recherche

Les prix de l’enseignement à HEC récompensent la passion, le jeu et la pédagogie

Les Prix Vernimmen 2025 priment deux professeurs qui font vivre la finance et le leadership pour leurs étudiants.

VIGNETTE Vernimmen 2025 photo

De gauche à droite : Emmanuel Coblence, Sophie Javary, Bruno Biais, Andrea Masini

Principaux résultats

  • Le professeur de finance Bruno Biais et l’expert en leadership Emmanuel Coblence ont été récompensés conjointement, un duo rare qui souligne la diversité de l’excellence de l’enseignement à HEC.
  • L’enseignement comme performance et artisanat : les deux lauréats considèrent l’enseignement comme un processus créatif – Bruno Biais par les jeux et l’économie expérimentale, Emmanuel Coblence par l’« artisanat » du leadership.
  • Le facteur humain : le jury a souligné la présence irremplaçable d’enseignants engagés à une époque où l’apprentissage en ligne et l’IA remettent en question l’éducation traditionnelle.
  • Pédagogie évolutive : aujourd’hui, l’enseignement exige de conjuguer des méthodes qui mêlent différents styles d’apprentissage, sans se cantonner au bon vieux cours magistral.
  • Un prix distinctif : contrairement à de nombreux prix décernés par des écoles analogues, le Prix Vernimmen ne récompense pas seulement les performances en classe, mais aussi l’enseignement fondé sur la recherche, le mentorat et l’innovation pédagogique.

Aller au-delà de la compétence et du talent

En ce début de soirée d’automne dans le centre de Paris, l’espace d’innovation BivwAk! de BNP Paribas a accueilli un événement qui a tôt fait de devenir un rituel discret dans le calendrier des écoles de commerce françaises : le Prix Vernimmen annuel. Depuis 1998, ce prix récompense non pas des recherches ou des publications, mais quelque chose d’à la fois plus humble et plus radical : l’art d’enseigner lui-même. 

Une soixantaine de professeurs, d’anciens élèves et d’amis de HEC se sont réunis sous les hauts plafonds de la rue Rossini. Sophie Javary, vice-présidente de BNP Paribas CIB EMEA et présidente du jury du Prix Vernimmen, qui préside l’événement depuis maintenant quatre ans, a été la première à prendre la parole. Sophie Javary a rappelé que la tâche d’un jury n’est jamais facile : « Ce qui a marqué cette année, c’est la qualité de tous les candidats. Chaque année, le choix devient plus difficile – et, cette année, nous avons décidé de récompenser deux professeurs dont les domaines figurent, au moins sur le papier, parmi les plus arides : la finance et le leadership. C’est ce qui rend ce millésime 2025 si fascinant ».

À une époque où la pertinence même de l’enseignement en classe est remise en question, les propos de Sophie Javary comportaient une question en filigrane : pourquoi assister à des cours magistraux lorsque tout est à portée de clic ? Ce qu’elle souhaitait honorer n’était pas seulement la compétence, mais aussi la capacité à maintenir l’enseignement vivant. « Quand tout le monde pense qu’il est possible d’apprendre en ligne et en regardant des vidéos, a-t-elle expliqué, il faut savoir que rien ne remplace la présence physique d’un enseignant engagé ».

Jeux de rôles dans les cours de finance

Le premier lauréat était Bruno Biais, l’un des chercheurs en finance les plus cités d’Europe. Un universitaire qui aurait pu se contenter de livrer ses talents aux revues de haut niveau, mais qui a choisi de se tenir devant les étudiants, année après année, depuis 1990. Son discours de remerciement a été à la fois émouvant et théâtral. Il a commencé par remercier ses professeurs, à commencer par Pierre Vernimmen lui-même, la figure légendaire du prix éponyme. « Il est entré dans la salle de classe avec sa montre en or, dans son costume trois pièces, et a parlé de quelques grandes affaires aux étudiants."

Mais c’est le lauréat 2018 du prix, Denis Gromb (qui est tragiquement décédé il y a deux ans), qui l’a le plus marqué. « Denis instillait une profonde humanité dans tout ce qu’il faisait. Il était très proche de toutes les personnes qu’il côtoyait à HEC, quel que soit leur milieu ou leur statut ». La salle s’est momentanément tue. Bruno Biais s’est ensuite tourné vers ses étudiants : « Ils sont très brillants, à la fois très conceptuels et très terre-à-terre. C’est un privilège de leur enseigner ».

Bruno Biais n’est pas un conférencier ordinaire. Ses cours ressemblent souvent à du théâtre – ou reflètent peut-être plus exactement le jeu de la vie. « Enseigner, c’est jouer un jeu », m’a-t-il confié après avoir reçu le prix. « Dans mes cours, c’est ce que nous faisons. Je conçois des jeux et nous y jouons ensemble. Ensuite, je leur montre les équations de la théorie financière et nous discutons du lien entre les mathématiques et ce qu’ils viennent de faire ». Rien à voir avec l’austère pédagogie financière stéréotypée du professeur griffonnant des lettres grecques à la craie sur un tableau noir (même si Bruno utilise pas mal de lettres grecques). Les équations sont toujours là, mais les étudiants y accèdent par le jeu, un détour socratique qui déjoue leur peur et transforme la finance en quelque chose de tangible.

En ce sens, Bruno Biais appartient à une tradition peu nombreuse mais croissante de professeurs qui mêlent la recherche et la pédagogie dans une pratique homogène. Il s’inspire de l’économie expérimentale, en pratiquant des simulations en cours pour tester et comparer le comportement humain réel aux prédictions de la théorie. « C’est très amusant », a-t-il précisé en souriant, comme pour rappeler à son auditoire que le jeu n’est pas le contraire de la rigueur, mais son compagnon.

L’enseignement comme artisanat

Si Bruno Biais incarne le côté cérébral et ludique de la finance, Emmanuel Coblence représente quelque chose de plus intime : le leadership comme forme d’artisanat. Emmanuel Coblence, qui fait partie du monde HEC depuis l’obtention de son diplôme en 2005 et enseigne depuis près de vingt ans, applique une méthode résolument centrée sur le participant. « La matière première de mon programme, explique-t-il, n’est pas tant les théories ou les outils que les situations réelles que mes participants apportent en classe ».

Pour Emmanuel Coblence, le leadership n’est pas une doctrine à transmettre, mais une signature personnelle à inventer. « J’aime à considérer l’enseignement du leadership comme un travail d’artisan », a-t-il confessé en s’attardant sur le mot. « Il faut concevoir le programme d’études, définir les comportements des dirigeants qui y participent, créer les situations professionnelles auxquelles ils sont confrontés et veiller à ce que le développement personnel corresponde au développement de l’organisation."

Ce savoir-faire artisanal exige de la flexibilité, en particulier dans un monde ébranlé par l’IA et l’automatisation. Ce professeur associé (filière éducation) d’une quarantaine d’années travaille avec ses collègues, Julien Jourdan et Catherine Tanneau, sur le devenir du leadership lorsqu’une grande partie du management est automatisée. « Si le management peut être assuré par l’IA, alors le leadership devient encore plus important. Nous devons préparer la prochaine génération de dirigeants à donner du sens aux équipes dont les emplois peuvent être transformés par la technologie ».

Lorsqu’il a pris le micro, Emmanuel Coblence est apparu à la fois fier et légèrement dépassé. Il a remercié trois professeurs qui l’ont aidé dans son parcours : Jean Nioche, qui lui a ouvert la voie de la recherche, Michel Fiol, maître pédagogue qui l’a encadré en tant que jeune instructeur, et Andrea Masini, qui lui a confié très tôt d’importantes responsabilités en matière d’enseignement. « Ce prix, s’est-il félicité, « est un prix collectif, décerné à l’ensemble de la faculté du leadership, qui est si proche, si coopérative, si solidaire. »

Le point de vue du jury

Présider ce processus n’est pas une mince affaire. Andrea Masini, doyen de la faculté et de la recherche, fait partie du jury du Prix Vernimmen depuis neuf ans, à différents postes, et voit en ce prix un indicateur de l’évolution de l’enseignement. Le processus est rigoureux : sur 170 professeurs, une liste de présélection est établie à l’appui des évaluations des étudiants, puis réduite à une demi-douzaine de candidats proposés par les doyens associés et les directeurs de programmes, que le jury discute longuement. « Les débats sont passionnants », a affirmé Andrea Masini. « Ils nous permettent d’aller au-delà des évaluations des étudiants et de comprendre la contribution supplémentaire que telle ou telle personne apporte à l’excellence pédagogique. Il peut s’agir d’une nouvelle méthode, de l’intégration de nouvelles connaissances issues des recherches du professeur ou d’une nouvelle perspective sur les entreprises et le monde de l’entreprise. On recherche des collègues qui s’investissent dans leur travail ».

Les critères mêmes d’attribution du prix ont changé. « Il y a quelques années », réfléchit Andrea Masini, « il suffisait d’être un enseignant hors pair, un orateur charismatique dispensant des cours extrêmement bien structurés, et d’avoir la capacité de s’engager auprès des étudiants. Aujourd’hui, il reste certes nécessaire d’être un enseignant hors pair, mais il faut aller plus loin. Il faut innover et mélanger les méthodes, car chaque participant apprend différemment. Il faut avoir quelque chose pour l’apprenant visuel, l’apprenant pratique, ceux qui ont besoin de dialogue. Mais une chose n’a pas changé : la passion. Sans passion, on ne peut pas être un grand professeur ».

Andrea Masini a également fait allusion à ce que l’on pourrait appeler la « méthode HEC », tout en s’empressant de rejeter toute définition unique. « C’est la rigueur, la pertinence, la passion et le cosmopolitisme », a-t-il affirmé. « Notre corps professoral reflète 170 personnalités et nationalités. Il n’y a pas une seule voie HEC, mais de nombreuses voies. »

L’importance de ce prix

Les prix de l’enseignement ne sont pas l’apanage de HEC Paris. L’INSEAD, la London Business School et la Wharton ont toutes leurs propres versions, généralement fondées sur les évaluations des étudiants. Mais le Prix Vernimmen se distingue par son équilibre entre les données quantitatives et le jugement qualitatif, les délibérations du jury et l’attention qu’il porte à l’ensemble de la contribution d’un professeur – enseignement informé par la recherche, mentorat, voire esprit d’entreprise.

Il délivre, à sa manière, un message sur l’avenir de l’enseignement des affaires. À l’heure où les MOOC et les tuteurs IA promettent échelle et efficacité, le Prix Vernimmen a rendu hommage cette année à l’humain, au personnel et au ludique. Il a récompensé des professeurs qui ne se contentent pas d’être compétents, mais qui sont présents, qui rendent la finance amusante et qui développent le leadership en travaillant étudiant par étudiant.

Les lauréats de cette année, Bruno Biais et Emmanuel Coblence, ne sont pas des célébrités et ne se sont pas servi du prix pour faire leur propre promotion. Ils ont parlé de leurs enseignants, de leurs étudiants, de leurs collègues, du travail collectif visant à donner du sens à l’apprentissage. Et c'est peut-être là la véritable leçon à tirer du Prix Vernimmen : au final, l’enseignement ne concerne pas seulement l’enseignant, mais ce qui se passe dans la salle de cours lorsque les idées rencontrent les gens. « Et il survient quelque chose de magnifique », a noté l’un de leurs collègues après la cérémonie. En bref, les conversations de la soirée ont révélé une vision renouvelée de l’enseignement, à savoir un mélange de rigueur, de jeu et de liens humains profonds.