Soutien massif des entreprises à la directive CSRD et rejet de la loi Omnibus : une enquête européenne d’ampleur inédite bouscule le discours politique dominant
Soutien massif des entreprises à la directive CSRD et rejet de la loi Omnibus : une enquête européenne d’ampleur inédite bouscule le discours politique dominantParis, 15 mai 2025 - Le collectif #WeAreEurope, en partenariat avec HEC Paris, dévoile ce jour les résultats d’une enquête inédite sur la perception des entreprises face à la directive sur le reporting de durabilité des entreprises “CSRD”, mise en danger par le projet de réforme dit « Omnibus » porté par la Commission européenne. Cette nouvelle enquête ayant recueilli plus de 1000 réponses de professionnels d'entreprises européennes aux profils variés (tailles, géographie, maturité RSE, secteurs...) révèle que la majorité d’entre eux soutient les exigences actuelles de reporting extra-financier. En France, ce soutien est particulièrement marqué.
Réalisée entre le 31 mars et le 30 avril 2025, cette enquête est la première étude paneuropéenne à interroger un panel aussi large d’entreprises directement concernées par la CSRD : 1 062 répondants issus de 26 pays, représentant un spectre varié de tailles d’entreprises, de secteurs et de niveaux de maturité ESG.
Des résultats sans appel : un fort soutien à la CSRD, une défiance envers le projet Omnibus
Les résultats montrent qu’une majorité d’entreprises considère la CSRD comme étant en phase avec leurs priorités stratégiques et la vision européenne de la responsabilité des entreprises. En revanche, elles expriment de fortes préoccupations quant à l’orientation prise par les efforts de simplification de la Commission.
61 % des entreprises européennes interrogées se déclarent satisfaites de la directive actuelle sur le reporting extra-financier. Seules 17% en sont insatisfaites. En France, le chiffre des satisfaites grimpe à 64 %, contre seulement 16 % d’insatisfaits.
À l’inverse, seuls 25 % soutiennent la proposition de réforme Omnibus portée par la Commission, tandis que 51 % s’y opposent. Fait marquant, même les insatisfaits de la CSRD ne sont pas majoritaires à se déclarer satisfaits de la réforme proposée (39% de satisfaits)
88 % des répondants estiment que la CSRD incarne la vision économique, sociale et environnementale européenne, et 62 % la voient comme un atout stratégique pour la souveraineté de l’UE.
Parmi les entreprises de taille intermédiaire (500 à 1 000 salariés), 56 % souhaitent rester dans le périmètre d’application de la directive, et n’adhèrent donc pas à la proposition de la Commission de fixer le seuil à 1000 salariés.
Une vision alternative à celle des grands lobbies économiques
Ces résultats viennent contredire le discours dominant porté par certains groupes industriels et décideurs politiques en France et en Allemagne, justifiant le paquet « Omnibus », selon lequel la directive nuirait à la compétitivité et serait massivement rejetée par les entreprises. De tous les défauts potentiels de la CSRD testés dans l’étude, le fait que celle-ci nuirait à la compétitivité des entreprises européennes vis à vis des non-européennes est la proposition qui recueille le moins d’adhésion (37% d’accord, 46% pas d’accord)
Lors du lancement du paquet, Ursula von der Leyen déclarait : « Cela facilitera la vie de nos entreprises ». Cette déclaration, qui faisait suite à des critiques émises par des entreprises telles que TotalEnergies ou Siemens, reprochant à la CSRD de nuire à leur compétitivité, est mise à mal par les résultats de cette étude.
“Les résultats de notre étude vont bien au-delà de ce que nous imaginions : si l’attente de simplification et d’accompagnement est réel, la majorité des entreprises soutiennent la CSRD et rejettent les propositions de la Commission. Elles plébiscitent un modèle économique européen fondé sur la durabilité et ont bien compris l’opportunité stratégique et de souveraineté que représentent ces réglementations. On ne peut pas en dire autant de ceux qui continuent à opposer compétitivité et durabilité. Tout ceci pose une vraie question de représentativité. Nous appelons les décideurs à enfin prendre en compte l’avis des entreprises européennes et à sortir au plus vite du chaos actuel qui, lui, nuit clairement à notre compétitivité, au moment où le monde entier adopte le reporting de durabilité.” - Alexis Krycève, Président de #WeAreEurope.
“Alors que les tensions géopolitiques s’intensifient, l’Union européenne est sur le point de décider si et comment elle va faire avancer certaines de ses politiques les plus ambitieuses en matière de durabilité, ayant un impact direct sur les entreprises. Il est temps de prendre le pouls du monde des affaires en Europe face aux grands changements réglementaires en cours d’examen, afin d’optimiser les chances que ces nouvelles politiques soient réellement efficaces et qu’elles parviennent à concilier durabilité et compétitivité des entreprises européennes, de manière à ce que l’une renforce l’autre.” - François Gemenne, Professeur à HEC Paris - Département d’Économie et des Sciences de la Décision et Directeur Académique du master en Développement Durable et Innovation Sociale.
L’étude démontre que les entreprises réclament des ajustements, pas une démolition
Si les critiques vis-à-vis de la CSRD existent, elles ne concernent pas ses fondements. Les entreprises demandent une simplification ciblée, pas une remise en cause :
86 % souhaitent l’automatisation des indicateurs de reporting.
75 % appellent à un « guichet unique ESG » pour centraliser les obligations nationales et européennes.
69 % demandent une meilleure articulation avec les autres référentiels (SFDR, Taxonomie, etc).
Les répondants réclament des ressources sectorielles pour faciliter l’analyse de double matérialité.
Seuls 27 % soutiennent la proposition d’élever le seuil d’application à 1 000 salariés, contre 49 % qui préféreraient un seuil à 500 salariés.
La France en première ligne du soutien à la durabilité
En France, la majorité des répondants, toutes tailles et secteurs confondus, perçoivent la CSRD comme un levier stratégique, et non comme un fardeau :
64 % de satisfaction.
Un rejet clair de la vision « simplificatrice » de la réforme Omnibus : 49 % d’insatisfaction contre seulement 23 % de soutien.
Un soutien fort même dans les fonctions financières traditionnellement plus réservées : seuls 27 % de professionnels de la finance s’y disent défavorables.
Un large soutien au reporting de durabilité, y compris parmi les PME et dans tous les pays
Au global, 61 % des entreprises se disent satisfaites ou très satisfaites de la CSRD dans sa forme actuelle. Seules 7 % estiment qu’elle nécessite une révision en profondeur.
La directive est largement perçue comme un levier de renforcement de la gestion des risques, de la stratégie ESG et de l’évaluation de l’impact. 88 % des répondants estiment que la CSRD reflète la vision économique, environnementale et sociale de l’Europe pour les entreprises. Fait remarquable, 62 % considèrent qu’elle contribue positivement à la souveraineté et à l’influence de l’Europe.
Même parmi les entreprises de taille intermédiaire, souvent décrites comme étant surchargées, le soutien reste élevé : 57 % pour celles comptant entre 250 et 500 salariés, et jusqu’à 67 % pour celles de plus de 5 000 salariés.
Les disparités géographiques sont moins importantes qu’anticipé : en Allemagne et en France, les critiques restent marginales (respectivement 21 % et 16 % d’insatisfaction).
Un représentant anonyme d'une entreprise française du secteur de l’intermédiation financière témoigne dans l’enquête :
« La CSRD est un outil qui favorise la résilience des entreprises. Elle permet d’avoir une vision claire de leur robustesse à l’horizon 2030 ou 2050, et d’agir dès aujourd’hui pour assurer leur pérennité. »
Les entreprises ne se sentent pas désavantagées à l’échelle mondiale
Seules 25 % des entreprises se déclarent satisfaites du projet « Omnibus » de la Commission, visant à simplifier les règles en matière de durabilité et de devoir de vigilance. Plus de la moitié (51 %) se déclarent insatisfaites.
La plupart des entreprises rejettent l’idée que la CSRD nuise à leur compétitivité mondiale : seulement 37 % partagent cet avis, tandis que 46 % le contredisent explicitement.
Ce qu’elles pointent majoritairement, c’est un manque de clarté. La principale amélioration souhaitée (86 %) concerne la réduction du nombre d’indicateurs exigés et l’amélioration de l’automatisation des processus.
Méthodologie de l’enquête
L’enquête a été menée du 31 mars au 30 avril 2025 et a recueilli 1 062 réponses d’entreprises dans 26 pays de l’Union Européenne.
Elle est disponible en 24 langues et diffusée via de nombreux réseaux, y compris ceux historiquement critiques à l’égard des obligations de reporting, afin d’assurer une représentation équilibrée.
40 % des répondants sont des dirigeants de haut niveau (C-level), soulignant l’importance stratégique du sujet. Toutes les tailles d’entreprises sont représentées.
Les résultats détaillés par fonction montrent que même les professionnels en dehors des départements RSE, comme ceux de la finance et de la gestion des risques, affichent une opinion plus positive que prévu.
Le projet a été mené en partenariat avec HEC et des chercheurs de grandes institutions académiques telles que HEC Paris, LMU Munich, CBS Copenhagen et le CERCES.
Contributeurs académiques
Delphine Gibassier, PhD HEC, Vert de Gris
- Brian Hill, CNRS, Department of Economics and Decision Sciences and S&O Institute, HEC Paris
- Charles H Cho, Professor of Sustainability Accounting and Erivan K. Haub Chair in Business & Sustainability, Member of the GRI’s Global Sustainability Standards Board (GSSB)
- Marieke Huysentrut, Strategy Department and S&O Institute, HEC Paris
- Victor Wagner, LMU Munich
- Andreas Rasche, Copenhagen Business School
- François Gemenne, HEC Paris Department of Economics and Decision Sciences and Academic Director of HEC Paris Master in Sustainability and Social Innovation
- Alexandre Rambaud, AgroParisTech-CIRED, Codirector Chaire “Double matérialité”, Scientific director of CERCES (Cercle des comptables environnementaux et sociaux)
- Maxime Mathon, Codirector Chaire “Double matérialité”
- Véronique Blum, HDR, Université Grenoble Alpes, Chaire Secteur financier
Clément Morlat, CERCES