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The School

Quand Eloquentia@HEC transforme la prise de parole en passage à l’âge citoyen

Au Bataclan, le 1er octobre 2025, la 7e finale d’Eloquentia@HEC montre une jeunesse qui ose : une parole travaillée, émancipatrice, et trois lauréats inspirants.

Marc-Aurèle Ravon, lauréat de la 7ème édition d'Eloquentia @HEC au Bataclan, le 1er octobre 2025 à Paris

Marc-Aurèle Ravon, lauréat de la 7ème édition d'Eloquentia@HEC, sur la scène du Bataclan

Ce que l’on retient

  • La parole s’apprend : d’un Summer Camp exigeant à la scène du Bataclan, Eloquentia@HEC transforme la confiance en levier d’émancipation.
  • L’authenticité prime : le jury récompense des récits justes, drôles et profonds.

Portée par HEC Paris et Eloquentia, cette seconde édition se déroulant au Bataclan a réuni six lycéens autour de trois questions contemporaines : des coulisses à l’erreur, de l’ignorance au savoir. En sept minutes chacun, ils ont mêlé humour, émotion et rigueur pour défendre des positions opposées, sous l’écoute d’un jury “polyphonique”. Le palmarès consacre une parole authentique et travaillée, reflet d’un dispositif pédagogique qui, du Summer Camp à la scène, fait grandir la confiance et l’ambition. Au-delà de la soirée, l’initiative confirme son impact social et éducatif, désormais amplifié par une plateforme pédagogique accessible au établissements scolaires. Cette septième édition du concours le 1er octobre 2025 est à voir et revoir ici : Eloquentia@HEC : Finale Nationale 2025.

L’ignorance ou le savoir ?

« La liberté commence où l’ignorance finit », écrivait Victor Hugo dans une lettre aux membres du Congrès international pour l'avancement des sciences sociales en 1862. Difficile d’imaginer meilleure porte d’entrée pour la 7ᵉ finale d’Eloquentia@HEC, tant la question posée ce soir-là au Bataclan, « L’ignorance est-elle plus douce que le savoir ? » a servi de fil rouge à une fête de l’esprit et du verbe. 

Dans cette mythique salle parisienne, six lycéens et lycéennes de 16 à 18 ans ont rappelé qu’à l’école comme dans le foyer, la parole n’est pas un luxe : c’est un pouvoir qui s’apprend, se travaille, se partage. Le reste - les rires, les silences, les frissons - a fait le plein. 

La scène comme tremplin

Le choix du Bataclan n’a rien d’anodin. Membre du jury, l’avocat et pédagogue Bertrand Périer l’a dit avec justesse : « Ici, ce n’est pas un lieu neutre ; c’est ici qu’on doit faire vivre la liberté de la parole et la liberté de la pensée. » Ces mots donnent la mesure d’une soirée où l’on ne “joue” pas à l’éloquence : on y éprouve ce que parler veut dire.      

Ces quelques minutes sont l’aboutissement de plusieurs mois d’exigence : près de 2.000 candidats au démarrage du programme, des sélections exigeantes, un Summer Camp intensif sur le campus de Jouy-en-Josas, puis trois tours qualificatifs jusqu’à la finale. Cette année, 74 lycéens issus d’une cinquantaine d’établissements et de huit régions ont intégré le programme, reflet d’un engagement renouvelé d’HEC Paris pour l’égalité des chances et l’ouverture sociale. Nous sommes loin de l’édition inaugurale en 2018 pendant laquelle 42 élèves venus de 18 lycées français cherchaient le Graal d’une victoire lors du premier concours national d’éloquence des lycées.

Au sein de ce cru 2025, la diversité est réelle : une majorité de participantes, une vraie mixité sociale, et une représentation significative de l’Île-de-France et de Marseille. Là encore, l’objectif dépasse la joute oratoire : développer confiance, expression, écoute et sens du collectif, ce « bagage » qui s’emporte partout.

Le podium 2025 : la légèreté, la justesse et l’authenticité

La finale a donné à entendre trois questions simples en apparence, vertigineuses en réalité :

  • Les coulisses valent-elles autant que la scène ?
  • L’ignorance est-elle plus douce que le savoir ?
  • L’erreur est-elle source de génie ?

Chaque binôme tirait sa position, affirmative ou négative. Le résultat : une mosaïque de récits intimes, d’images drôles ou poignantes, de démonstrations ciselées où la sincérité l’emporte sur l’esbroufe. 

Au sommet, Marc-Aurèle Ravon (17 ans, Palaiseau) remporte le titre en défendant la thèse du oui à « L’ignorance est-elle plus douce que le savoir ? ». Son plaidoyer mêle humour et lucidité : « Le savoir a un prix : plus on sait, plus on est responsable, » lance-t-il. De la belle mécanique, mais surtout une voix ferme, posée mais qui refuse la pose et préfère l’aveu de vulnérabilité à la certitude pontifiante. 

Victoria Boutreux (18 ans, Meudon) décroche la deuxième place avec un oui inspiré sur la question « Les coulisses ont autant de valeur que la scène ». Sa force ? Le sens du mot juste et une façon presque poétique de retourner les projecteurs vers l’ombre, là où se préparent les élans. 

Walid Mansouri (17 ans, Saint-Denis) s’offre la troisième marche en célébrant avec un oui l’idée que « l’erreur est source de génie ». Une énergie contagieuse, un humour tendre, et ce qu’il faut d’autodérision pour rappeler qu’apprendre, c’est chuter mieux.

Au moment des délibérations, une conviction circule dans la salle : ce soir, l’emporte celui ou celle qui aura su être vrai. Comme le résume le juré Pierre Faury, « ce qui fonctionne quand on parle, c’est d’être authentique, c’est donner de soi ». 

Un jury “polyphonique”

Cette 7ᵉ édition a réuni un jury où se répondent les usages contemporains de la parole : Bertrand Périer (avocat et enseignant, ancien diplômé H.98), Emmanuelle Fauchier-Magnan (Skello et H.16), Pierre Faury (lui aussi un alumnus H.24, vainqueur du Concours national d'éloquence HEC 2023), Martin Abikanlou (prix Eloquentia@HEC 2024) et Zoé Le Gavrian (comédienne et créatrice de contenus). Une formation pianissimo-fortissimo qui écoute autant la rhétorique que la sincérité, la construction que le souffle.

Mais on l’oublie parfois : Eloquentia n’est pas qu’un concours, c’est un dispositif pédagogique. Depuis 2012, l’association fondée par Stéphane de Freitas promeut une méthode - Porter sa voix - où l’art oratoire n’est ni sophisme ni performance pour initiés, mais un apprentissage structurant : ordonner ses idées, s’affirmer sans écraser, chercher la relation avant le panache. 

Dans la bouche de Stéphane de Freitas, l’ambition est claire : faire entrer la prise de parole « comme une matière à part entière » du parcours éducatif, et « déclencher un mouvement » capable d’ouvrir des “ascenseurs” sociaux durables.

Les membres du jury de la septième édition d'Eloquentia@HEC, sur la scène du Bataclan

Les finalistes de la 7ème édition d'Eloquentia @HEC, le 1er octobre, sur la scène du Bataclan

Les membres du jury pour la septième édition d'Eloquentia@HEC qui s'est déroulée le 1er octobre.

Relai institutionnel

Du côté d’HEC Paris, Éloïc Peyrache a rappelé que ce déclic peut changer des vies : il cite l’exemple d’une ancienne participante, 20/20 au Grand Oral, admise à Sciences Po puis stagiaire à l’ambassade britannique au Conseil de l’Europe. Un enchaînement rendu possible par « le petit déclic qui donne confiance ». Son équipe souligne que le programme vit et grandit grâce à la générosité de mécènes, individus et entreprises : cette année, la Fondation CMA CGM est partenaire.

Signal fort cette année : l’annonce qu’une plateforme pédagogique Eloquentia@HEC est désormais en ligne pour élargir l’accès à ces contenus, au-delà des barrières géographiques.

Ce que la soirée nous dit de la jeunesse

On pouvait venir pour l’ambiance (et elle fut électrique), on repart surtout avec la sensation d’avoir entendu des vies en mouvement. L’actualité n’est jamais loin (choix, erreurs, coulisses : trois thèmes de notre temps), mais ce sont les détails qui touchent : l’angoisse domptée dans le souffle, la blague qui déverrouille, le “je” qui ouvre sur un “nous”. Les finalistes ne récitent pas des auteurs : ils osent le récit personnel, parfois pudique, parfois frontal, toujours maîtrisé.

La composition de la finale, quatre jeunes filles et deux jeunes hommes, reflète une promotion majoritairement féminine, avec 60 % de jeunes franciliens. Ils s’ajoutent aux 434 participants qui ont suivi le Summer Camp (depuis sa création en 2018).

Ces données importent parce qu’elles racontent autre chose qu’une “soirée réussie” : elles décrivent un dispositif d’impact qui, année après année, installe la prise de parole comme l’un des plus puissants leviers d’émancipation à l’adolescence.

De la scène aux coulisses : ce que l’on garde

Mais, au final, cette soirée appartient à un lycéen qui a grandi à quelques pas du campus de Jouy-en-Josas où Hélène Bermond et son équipe construisent ce concours hors pair. Du haut de ses 1m60, ce Palaisien avoue qu’il « ne savait pas aligner trois phrases » il y a encore quelques mois.Il poursuit : « C’est dingue de réaliser à quel point il est facile d’apprendre à bien s’exprimer ». Une phrase qui sonne comme un programme public : rendre ce “facile” accessible.

Il y a aussi la photo du rappel, bras levés, et ces applaudissements qui durent un peu trop, signe sûr d’une émotion partagée. Il y a le sourire incrédule des finalistes quand les résultats sont tombées. Mais il y a surtout tout ce qui ne s’est pas vu : les heures à ciseler un plan, à retenir une chute, à dompter un trac. Loin d’un “talent” figé, Eloquentia@HEC donne à des lycéens la licence d’essayer. Rater, réécrire, recommencer. L’erreur, justement, comme ressort du génie. 

Bilan positif… mais au-delà ?

Le Bilan des relations presse 2025 le souligne : le concours, arrivé à maturité, bénéficie d’un fort capital sympathie, mais il doit aussi se renouveler médiatiquement dans un paysage foisonnant autour de la prise de parole. Piste évoquée : associer chaque promotion à une personnalité inspirante (artiste, humoriste, comédien) pour créer des moments inédits.

Au fond, il s’agit moins de “faire plus de bruit” que de rendre durable ce qu’on a vu au Bataclan : des jeunes femmes et des jeunes hommes qui, par le verbe, gagnent leur place. C’est exactement ce que cherchait la question initiale : non pas savoir si l’ignorance est “douce”, mais comprendre ce que le savoir oblige : choisir, agir, se risquer.

Coda : Hugo, Vallès… et eux

Victor Hugo nous avertit depuis le XIXᵉ siècle : la liberté réclame la fin de l’ignorance. On pourrait lui adjoindre l’esprit de Jules Vallès : laisser la jeunesse prendre la parole, c’est cesser de parler à sa place. On pense à la dédicace de son opus Le Bachelier : « à ceux qui, nourris de grec et de latin, sont morts de faim, » écrit-il – une réflexion d’une éducation qui parle sur la jeunesse sans la servir. Eloquentia@HEC fait ce pari très simple et très puissant : confier un micro, transmettre des outils, faire confiance. Le reste appartient à cette génération qui, ce soir-là au Bataclan, a prouvé que la fraîcheur peut rimer avec profondeur. Et que l’humour, loin de tout cynisme, est encore l’une des meilleures armes pour dire vrai.

Rendez-vous l’an prochain. Les coulisses auront encore tant à dire. Et la scène, elle, n’a pas fini de vibrer.